L’ART, un projet 

pour la communication et l’action.

Embrun, le 25/10/99


Auteur: Francois Darbois,  
 

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André Gence 
est prêtre de la Mission de France, 
conférencier et artiste peintre.

 

 

 

  •   A l’initiative de l’Université du Temps Libre, le père André Gence animait vendredi 22 Octobre 1999 à 20h30 dans la salle du Tribunal d’Embrun, une conférence sur l’art où assistait une assemblée nombreuse qui a montré son intérêt par la profondeur des questions posées à l’orateur. Cette conférence a été suivie par une superbe projection de diapositives des œuvres de l’artiste, le lendemain Samedi à 15h00.

  •  Auteur de deux livres, Sur la terre comme au ciel et Figures et transcendance, édités en 1997 et 1999 par La Thume à Marseille, le père André Gence, en plus de ses engagements dans l’animation d’aumôneries comme Vie Nouvelle et l’animation de stages de peinture à la chapelle Matisse à Vence, a consacré une partie importante de sa vie à la peinture et à la réflexion sur la création artistique.

  •  

    L’art, pour le père André Gence, est fait pour donner du sens à la vie. C’est une manière de raconter et d’interpréter l’histoire. Pour notre orateur, depuis Giotto et Fra Angélico la peinture a effectué une véritable révolution. Elle a quitté l’univers des symboles pour le monde des concepts. Or, il a fallu les Cubistes pour nous rappeler à l’ordre et nous faire redécouvrir la puissance des images symboliques. C’est la faute à l’illustre Descartes, qui nous a, paraît-il, " foutu dedans ", en nous faisant croire que " Je pense, donc je suis". 

    Alors que pour André Gence c’est exactement le contraire : " C’est parce que je suis , que je pense. " Je suis quand j’aime, quand je crée. Je suis quand je suis en relation, dans l’action et la communication avec d’autres, Je suis quand je suis relié à un Autre que moi en moi. L’être-soi n’est pas du domaine de l’avoir, du savoir ou du pouvoir. Il est du domaine de l’amour et de la gratuité. Ce n’est pas la pensée ni le concept qui est l’origine de l’œuvre d’art, comme le disait Heidegger dans son livre, Les chemins qui ne mènent nulle part.  

    Pour André Gence, c’est l’union du cœur, de l’intelligence et de la main, c’est à dire un amour incarné dans un corps qui devient créateur. Créer alors, c’est exprimer une parole et donner chair à un verbe. C’est à travers notre corps que nous devenons créateur. C’est en entrant dans le rythme de la main, ou de la voix que nous ouvrons l’espace à une nouvelle création. André Gence suit ici les réflexions d’Henri Maldiney qu’il a rencontré à la faculté de Lyon.

    L’art n’est pas seulement rationnel, mais il rend intelligent, 

     d’une intelligence symbolique, l’intelligence du regard , c’est-à-dire celle du cerveau droit. 

    André Gence essaie de nous inviter sur de nouveaux chemins dans sa manière d’appréhender le réel de manière plus symbolique que rationnelle. 

    L’art, c’est entrer dans un rythme. 

    Or dans le mot rythme, il y a rite et rime, et le "th" vient du grec théos, c’est à dire le dieu créateur. Entrer dans un rythme, c’est se rendre disponible à la pensée pure, libre et créatrice de nouveauté. 

    Ce n’est pas un projet ni une idée, c’est un lâcher prise qui permet à l’imagination créatrice de prendre corps à travers la main de l’artiste.

     

    A la question d’une auditrice sur l’opposition entre art abstrait et art figuratif, André Gence répond avec prudence et équilibre qu’il n’y a pas opposition entre la peinture figurative et la peinture abstraite. Il n’y a que des figurations abstraites ou des abstractions figuratives. Figures et abstractions se conjuguent dans toutes peintures pour dire autre chose qu’une simple image ou un concept, mais qu’il y a une troisième dimension par delà les images et les concepts, il y a une relation symbolique. Seul le symbole ouvre sur la communication et l’action humaine et divine. Elle devient alors une réelle présence par delà les mots et les images. Mais l’Action à ce niveau devient un hymne pour la création, pour reprendre l’intervention du maire d’Embrun. donc eucharistie sur le monde et chant de l’être, c’est-à-dire une " réelle présence" dans la communion sans confusion ni mélange de l’humain et du divin, comme l’a développée le philosophe Maurice Blondel dans sa thèse de 1893.

    Il n’y a pas d’art sans amour et donc sans transcendance. Il n’y a rien de plus artistique que d’aimer. En art, comme en amour, on aime ou on n’aime pas ! " Un point, c’est tout !. " Mais ce point n’est pas rien, car ce petit point de rien du Tout, change tout, et surtout notre regard sur le monde. L’amour comme la beauté est sans pourquoi. 

    Comme la rose, elle fleurit !

    A la question d’une auditrice, sur la définition de la beauté, en citant cette parole d’André Malraux :  

    "Le beau, c’est ce qui est intéressant " .

     André Gence nous rappelle la parole d’Aristote : "Le beau, c’est la splendeur du vrai. " En effet , le beau n’est pas nécessaire mais essentiel ; et il n’est la propriété de personne, ni l’objet d’un savoir et encore moins celui d’un pouvoir sur les autres. Or nos sociétés urbaines, comme aussi nos communautés ecclésialles ont peut-être un peu trop oubliées cette vérité fondamentale, de l’union en son sommet de la beauté, de la vérité et de l’amour. Les civilisations anciennes, comme celles des égyptiens, des grecs ou des romains, et comme presque tout l’occident jusqu’à la renaissance, savaient construire et vivre dans la beauté.

      

    Nous ne pouvons pas toujours vivre au raz des pâquerettes. Si les jeunes en ont " marre ", ne serait ce pas que nous ne leur proposons plus de verticalité, ni en famille, ni à l’école ni dans les églises. 

    Pourquoi alors vont-ils la chercher dans le sexe, la drogue, la violence ou les sectes ? La " médiocratie " et le nivellement par le bas n’ont jamais été libératrice d’énergies, d’espérances ni de vie. 

    Où trouver dans notre société contemporaines, ces écoles buissonnières, ces structures libératrices, ces espaces de liberté d’action et de communication, qui ouvrent des chemins de vérités, de beautés, et d’amour ? Au contraire, nous commençons par enfermer nos enfants dans des cages à lapins, puis dans des mensonges idéologiques, nous fabriquons des esclaves du savoir, de l’avoir et du pouvoir. Et quand ces jeunes ne sont pas définitivement prisonniers dans leurs esprits, par l’éducation et les projets de vie que nous leur donnons, nous sommes prêts à les mettre en prison parce qu’ils sont libres… de nos bons principes.

     

     

    • Créer une forme artistique, c’est donner un sens. Notre société a besoin de repères et d'heureux pères, c'est-à-dire des semeurs de joies et des créateurs de vie nouvelle. L'homme a toujours besoin de croire que la vie humaine a un sens. Toute la peinture d’André Gence, à travers les symboles de la porte, de la croix, des ténèbres et de la lumière, essaie de nous conduire sur ce chemin sans chemin préfabriqué. Car sur ce chemin, qu’il trace en marchant, en aimant et en mangeant la vie à pleine dent, malgré ses 82 ans, André Gence sait semer la joie, ouvrir une espérance et créer la communion entre les hommes, par delà les sectarismes politiques et religieux.

    Peindre pour lui est une longue marche, dans le maquis touffu d’une existence, où il faut s’être beaucoup donner, aller jusqu’au bout du don de soi, comme Cézanne ou Rimbaud.

     

     Il faut s’être souvent perdu et parfois mourir, pour un jour voir la lumière et naître ainsi à l’essentiel. 

     Comme nous le dit Simone Weil : " Le christianisme a oublié cette vérité fondamentale, que le salut est essentiellement une question de regard. "

     

     

     

    Article de François Darbois publié dans Le Haut Alpin ,   12 Novembre 1999


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