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L’art du Paysage par les Maîtres

  Composition, perspectives, l'heure, l'eau, les arbres, la montagne. les milles et uns secrets de :

Corot, Turner, Cézanne... Braque  

Philosophie: Dostoïevski,  Zundel, Maldiney

 

"Vous voulez faire de la peinture? Commencez alors par vous couper la langue, car désormais vous ne devez vous exprimer qu'avec vos pinceaux" (Matisse)

Introduction

 

Les Bouts Chinaillon (74) Paul Guelpa

" Je vois ici un brave homme, qui ressemble à Corot comme un frère. Il est parti au petit jour, avec sa boite et sa pipe. J’aperçois sa silhouette qui suit le bord de la rivière. Plusieurs fois il s’est arrêté comme indécis, clignant des yeux, et se faisant un abat jour avec sa main. Puis il est reparti. Enfin il s’est arrêté sous un saule, a tiré sa pipe de sa poche, et l’a allumée, a ouvert sa boite, disposé ses couleurs sur sa palette, et tranquillement s’est mis à peindre. Il est l’image la plus parfaite du bonheur que l’on peut trouver ici bas. Saluez-le avec respect! Ce bonhomme tout simple, un peu rustre, c’est lui qui sauvera l’art de toutes les déliquescences, et, quand il sera prêt de s’égarer en pleine folie, le ramènera dans le bon chemin. Vous l’avez deviné sans doute voilà le bon paysagiste."

 [Jean Baptiste Corot]

        "Comme la figure de l’homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la terre, il est certain que celui qui se rend l’imitateur de Dieu en peignant des figures humaines est beaucoup plus excellent que les autres."

        Le paysagiste doit contempler la campagne avec des pensées modestes. Un esprit arrogant ne verra jamais la nature dans toute sa beauté. Le peintre porte son tableau en lui-même. Entre la nature et lui, la toile sert d’intermédiaire. Quand il veut faire un paysage, ce n’est pas l’envie de copier tel arbre, tel rocher ou tel horizon qui le pousse, mais bien un rêve de fraîcheur agreste, de repos champêtre, de mélancolie amoureuse, d’harmonie sereine, de beauté idéale, qu’il cherche à traduire dans la langue qui lui est propre.

Un paysage est un " état d’âme ", une sensation comme le dit Paul Cézanne. L’imagination fait le paysage. Je comprends qu’un esprit appliqué à prendre des notes, ne puisse pas s’abandonner aux rêveries contenues dans les spectacles que la nature présente; mais pourquoi l’imagination fuit-elle l’atelier du peintre? Peut-être parce que les artistes qui cultivent ce genre, se défient-ils beaucoup trop de leur mémoire et adoptent une méthode de copie immédiate qui s'accommode parfaitement à la paresse de l’esprit. L’essentiel est que tout s’arrange comme couleur et harmonie.

"Mettez trois paysagistes devant le même site, chacun l'interprétera suivant son tempérament et cependant, c’est bien le même site".

"J’aime les tableaux qui me donnent envie de me promener dedans, si c’est un paysage, ou de passer ma main sur un dos si c’est une figure de femme".

"Ce n’est pas seulement chez les êtres animés qu’il voit le reflet de l’âme universelle; c’est dans les arbres, les buissons, les plaines, les collines. Ce qui pour les autres hommes, n’est que du bois et de la terre apparaît au grand paysagiste comme le visage d’un être immense. Corot voyait de la bonté éparse sur la cime des arbres, sur l’herbe des prairies et sur le miroir des lacs. Millet y voyait de la souffrance et de la résignation". Il a voulu indiquer que le paysage nous apparaît suivant notre état d’âme du moment. Le Beau est un état de notre âme dans la nature. Il faut être amoureux de la nature mais non pas son esclave". Le paysage doit susciter une légende presque musicale.

Les seuls secrets utiles sont ceux que vous trouverez vous même en regardant la nature. C’est cela, en somme la source de toute vie et le maître suprême. Devant la nature, travaillez vite car les effets sont fugitifs. Heureux le paysagiste qui aura cultivé sa mémoire. Mais que l’on oublie jamais que, sous prétexte de respecter la nature qui est sous nos yeux, il ne faut pas oublier celle qui est en nous. Elle s’appelle "imagination, et on s’en méfie trop aujourd’hui. C’est elle qui transfigure la vulgarité, c’est elle qui communique l’émotion et crée le caractère.

Si vous êtes sourd à ses avis, quelque habilité que soit la vôtre vous ne serez rien qu’un copiste. Si vous l’écoutez au contraire, toutes vos études dans la campagne, si vous êtes doué, bien entendu, vous suggéreront de plaisantes et émouvantes visions.

Le paysagiste, ayant saisi son sujet et s’étant assis dans la campagne devant son chevalet, est l’image la plus parfaite du bonheur que l’on peut trouver ici-bas. La nature représente des forces mystérieuses en lutte les unes avec les autres. Pour Corot, Théodore Rousseau, Millet, plus de personnage mais des nymphes ou demi-dieux incarnant la mystérieuse poésie des choses. Le combat entre la lumière et les ténèbres, ruissellement de lumière, apparition, dévoilement du mystère, étudie des jeux furtifs de la lumière sur les choses et les gens, essaie de surprendre un rayon de lumière, un crépuscule, la fluidité de l’air, des brouillards, des nuées lumineuses. C’est là la recherche des maîtres impressionnistes comme Monet, Degas, Renoir, Sisley, tous héritiers de Corot. Puis on sombre dans le naïf et le pointillisme qui finit par dissoudre le paysage dans une universelle palpitation de molécules. Puis vient le cubisme qui emprisonne la nature dans des cubes et des cylindres, il n’y a plus de place pour la fantaisie ni l’imagination.

 

 

Perspectives:

Un artiste qui aurait l’œil extrêmement juste et une grande habitude à copier la nature, serait sûr de dessiner très bien une vue, et de la mettre en perspective sans avoir recours à aucune opération géométrique; il lui suffirait pour cela de se mettre en face d’un site et de dessiner, sans tourner la tête, tout ce qu’il a devant les yeux. Mais il faudrait alors qu’il trouvât toujours la nature agréable et bien composée; car s’il croyait devoir changer, supprimer ou ajouter, éloigner ou rapprocher un édifice, un rocher, un arbre, il serait fort embarrassé. Ce serait encore pire si renfermé dans son atelier, il voulait composer un tableau de fantaisie, assembler plusieurs études éparses et les ajuster ensemble.

Comme le dit Corot , le dessin passe en première ligne. Deux heures à dépenser devant la nature, une heure trois quart pour le dessin, afin de le bien proportionner, un quart d’heure pour le peindre.

En peinture comme en musique il n’est pas possible d’exécuter un morceau sans avoir fait des gammes.

On naît peintre et, si l’on est né pour cela, on trouve toujours le moyen d’exprimer ce qu’on éprouve en l’exprimant d’abord mal, mais en trouvant soi-même le moyen.

 

La Composition du Paysage

L’art de peindre, nécessairement borné par les contours, consiste à augmenter avec intelligence la profondeur.

Ce qui finit un tableau, ce n’est pas la quantité de détail, c’est la justesse d’ensemble. Il y a un objet principal sur lequel vos yeux reposent. Si au contraire notre tableau est exécuté avec un fini précieux, le spectateur le regardera avec indifférence. Tout l'intéressant, rien ne l'intéressera.

Discerner l’essentiel, l’impression, la sensation profonde, peu importe le détail, le peintre nous livre les éléments de résurrection. Les découvrir, les fixer, c’est là tout son secret, et s’il y réussit, c’est tout son génie. Simplification mystérieuse, qui ne s’enseigne point dans les écoles, parce qu’elle est la poésie; qui vient dans la solitude, par la contemplation, par l’amour, et tellement personnelle que le même paysage vu par dix peintres peut avoir dix physionomies différentes dont chacune est exacte. L’interprétation la plus simple sera l’œuvre du plus grand.

Choix de l’heure et de la saison

 Les heures de mystère, l’aurore et le crépuscule, sont particulièrement favorables au rêve et à la poésie. On peut croire le bon Corot qui s’y connaissait et qui nous a laissé à ce sujet des pages colorées comme ses tableaux: on croirait assister au lever de soleil ou au déclin du jour au bord de l’étang de Ville d’Avray.

"On perdrait sottement son temps & un travail infini.

A peindre le grand jour comme il est à midi.

Du soir délicieux la lumière dorée.

Par un œil délicat doit être préférée;

 

  

Il peut choisir aussi le moment du matin. Quand la terre reçoit un éclat argentin. Ou l’instant que perçant un importun nuage. Le soleil rougit tout après un long orage."

"Midi: Fuyons! on voit tout", ....

 

 ....  s’écria un jour Corot, en présence d’un paysage baigné de soleil. Et la bande de jeunes artistes qui avaient accompagné le futur peintre de l’aube et du crépuscule, s’éparpilla…

L’illusion se produit… Le soleil étant couché, le soleil intérieur de l’âme , le soleil de l’art se lève… Bon mon tableau est fait!

 

 

 

Dans ton pays, tu trouveras tant de beautés que ta vie sera trop courte pour les comprendre toutes. L’Italie si belle qu’elle soit, te sera inutile, si tu n’es pas capable de rendre la nature qui t’entoure.

Il s’agit de reconnaître ce caractère qui fait un pays, de le sentir, et de l’embellir en l’exprimant avec unité. Une fois qu’on l’aura choisi, il pourra devenir le sujet d’un tableau excellent dans ce même caractère.

Pour peindre un pays, il faut le connaître. Moi, je connais mon pays , je le peins.

 

Le soir la nature est belle de la beauté infinie parce qu’elle a le mystère et pour l’âme qui veut sa dose d’inconnu, le mystère c’est l’émotion, c’est le rêve, c’est la poésie.

A Rome, Nicolas Poussin voyait les Andelys; il n’y a pas un de ces paysages qui soit un paysage romain. Nous emportons tous le ciel du pays natal dans nos yeux; nous sommes victimes de nos origines.

Corot et Courbet: ou l’art de choisir sa place:

 

Solies Pont 83

 

 

"Après le repos, on s’en fut en forêt et les deux paysagistes résolurent de faire une esquisse; Corot eut du mal à trouver sa place; il cherchait son motif, clignait des yeux, penchait la tête, tantôt à droite tantôt à gauche. On doit toujours surtout s'occuper des masses. "Oui, répondit Corot, des masses, toujours des masses!"

Toute la beauté de la nature est dans le moindre village. Il suffit qu’on le regarde, avec des yeux qui sachent s’étonner, les pudiques prairies se voiler, à l’aube, de nuées blanches, et courir dans les bois le doux visage de la lune. Il suffit d’un arbre qui se mire dans l’eau; il suffit des chaumières qui le soir, s’endorment; il suffit des labours qui boivent la pluie…

 

 

L’eau

A certaines exceptions près, elle est généralement plus foncée que le ciel dont elle épouse les tonalités plus ou moins violemment, suivant qu’elle est plus ou moins calme ou agitée. Les étangs, les lacs, sont de vrais miroirs, qui souvent vous donnent l’image renversée, presque identique de ce qui est au dessus et à l’entour. Nous conseillons d’éviter ces effets trop monotones; les reflets de l’eau sont charmants, à la condition pourtant de n’être pas trop exagérés, et de ne pas présenter un dessin debout d’un coté et renversé de l’autre.

A l’horizon mettre du bleu outremer ou du Cobalt

 

La montagne

Longtemps la montagne fut une région maudite, pleine de démons et d’embûches. Les peintres furent parmi ses premiers explorateurs et notamment Léonard de Vinci. Mais explorer la montagne ou la peindre est chose différente. Déjà les écoles primitives aimaient à montrer à l’horizon la ligne harmonieuse des sommets lointains. Mais , pour en aborder les aspects farouches, il fallait toute une révolution esthétique, avec un grand effort de progrès techniques. 

  

Dents de Lanfon Menthon Saint Bernard

Celle-là fut en partie l’œuvre de J.J. Rousseau; celui-ci est dû en grande partie aux peintres genevois du dix neuvième siècle à la tête desquels se compterait Alexandre Calame. Aujourd’hui le nombre des artistes qui ont appris à aimer et à peindre la montagne se compterait par centaines.

L’atmosphère est plus ou moins chargée de vapeurs, surtout près de la terre, cette vapeur venant à être éclairée par le soleil, est plus claire près de la terre: de là vient que, dans l’éloignement, le bas des montagnes est plus clair que le haut.

Pas plus en Suisse, en Savoie qu’en Italie, le ciel n’est restreint; il s’enrichit même chez nous de pics neigeux d’une auguste majesté et d’une éclatante lumière, concourant avec les paysages à augmenter la profondeur de la scène et ouvrant ainsi un vaste champ à l’imagination. Celle-ci peut, en face de la nature comme devant l’œuvre d’un artiste inspiré, s’égarer dans les replis tortueux d’un torrent qui se perd dans le lointain obscur des gorges profondes; s’élever vers les cimes aériennes qui semblent appartenir plus au ciel qu’à la terre, suivre les contours indécis d’une vapeur légère qui, suspendue au flanc des monts, va se perdre dans l’azur, pour faire de cet ensemble un tout harmonieux. 

 

 

Telle scène des Alpes peut aussi bien que la mer et les lointains les plus fuyants d’un pays plat, donner l’idée de l’infini. Ce n’est donc pas la configuration des Alpes qu’il faut chercher la cause du peu d’attrait, de la froideur même que l’on remarque dans les productions qui en ont été faites. Il faut la voir dans le peu de sérieux et de persévérance qu’on met à les étudier, dans les partis pris et les systèmes d’école, qui s'accommodent mieux d’une nature où ils trouvent leur application, que de celle qui rejette tout préjugé, tout système, et devant lequel un grand maître en plaine est comme un enfant, s’il ne l’aborde avec toute l’attention qu’elle réclame. Il faut donc la sentir et l’aimer d’abord, l’étudier ensuite avec persévérance sous peine de tomber dans l’exagération de la forme et de la couleur. Tout ce qui est grand et noble poétique est compris par les artistes d’élite, pour lesquels les difficultés de l’entreprise ne sont qu’un appât de plus.

C’est le ciel qui donne le ton au paysage, c’est du ciel que l’idée émane et se répand dans tout le tableau, il ne dépend que de l’artiste d’en augmenter l’importance. Dans cette magnifique composition du Monte Rosa Calame retrace ce moment du jour où le soleil, descendu sous l’horizon de la plaine, n’éclaire plus que les hautes cimes des Alpes. Il a placé les montagnes les plus élevées au dessus de la ligne médiane, en laissant au ciel un plus grand espace qu’à la terre. Il a fait ainsi d’un sujet alpestre un sujet italien.

Les arbres

 

Oliviers Paul Guelpa

Faire son mélange de couleur sur les feuilles que l’on veut peindre. L’anatomie d’un paysage a des lois moins visibles que celle du corps humain, mais tout aussi rigoureuses. Ce n’est pas le hasard qui redresse ou incline le tronc des arbres, et il n’est pas indifférent de diriger une branche d’un coté ou de l’autre, chaque plante a ses attitudes particulières dont il faut saisir le secret.

"Tiens, comme vous peignez drôlement les troncs d’arbres! on dirait que votre brosse dessine à chaque touche un accent circonflexe?" C’est la vérité, et remarquez que cette forme s’accentue à mesure que le tronc s’élève au dessus de l’horizon; plus il s’approche du haut plus la touche ressemble à une arche de pont. En effet le tronc d’un arbre et les branches principales doivent être peintes en travers; ces touches doivent être horizontales à la hauteur de l’horizon. On peint la partie inférieure en forme de V qui s’ouvre plus on s’approche de l’horizon, puis elles se courbent et prennent la forme d’un arc puis d’un accent circonflexe, puis d’un V retourné en forme de pont. Cette manière de peindre est très utile à la perspective et complète le modelé de la branche pour aider à la faire tourner. Ce n’est pas par le détail de la feuille qu’on reconnaîtra la nature d’un arbre, mais par les masses du feuillé et par la tournure générale du branchage.

 

 

Bout du Lac d'Annecy Paul Guelpa

 

Pour peindre le paysage, il faut d’abord savoir peindre les arbres, et le bois des arbres. Le bois des arbres, étant fait on ajoute les feuilles. Si on ajoute des petites branches, c’est un arbre dépouillé de feuilles. Il faut examiner l’ombre et la lumière, la face et le dos. Il faut que les branches soient bien reliées au tronc. Tantôt l’une dispute la place de l’autre.

 

Songez toujours à la présence de l’homme, à ses affinités à ses joies ou ses souffrances; alors en créant un paysage, vous penserez à l’homme; en créant un homme vous penserez au paysage.

L'Impressionnisme: son idéal et sa technique:

Entraînés par leur recherche de la lumière, ils ont plus ou moins supprimé tout ce qui traduit des formes. Le contour et le modelé de leurs tableaux ne sont que des taches de couleurs. Manet le premier renonça aux teintes terreuses des Romantiques et simplifia sa palette pour la ramener à quelques couleurs franches. Proscrivant les gris de l’ombre, les impressionnistes ont tenté de rendre la lumière par le seul moyen de la couleur et chez eux les ombres elles-mêmes sont colorées.

En peignant les reflets dans l’eau mouvante, ils ont été amenés à fragmenter leurs touches de pinceau. En fragmentant de plus en plus, ils sont arrivés à donner l’impression d’une vibration colorée dans laquelle on ne distingue plus les formes.

Manet (1832†1883) rompt le premier avec l’art traditionnel. Sous l’influence de Monet, dès 1874, il s’adonne à la peinture de plein air.

Monet pousse le plus loin l’étude de la lumière et de l’atmosphère.

Renoir (†1919) ajoute un lyrisme généreux de la vie qu’il recrée dans des scènes poétiques et populaires, et des nus.

Renoir peint comme on respire. Peindre est devenu pour lui l’acte complémentaire de regarder. Chez Renoir il faut que la main précise dans l’espace le bonheur que les yeux ont connu. Il était joyeux de peindre, et la peinture lui donnait de la joie.

C. Pissaro est le peintre des paysans et des travaux agricoles. Al. Sisley, anglais se spécialise dans les paysages de l’Ile de France à la façon de Corot et Monet.

Van Gogh, d’origine hollandaise, s’initie à Paris auprès des impressionnistes à la peinture claire et à la division des tons. Il ajoute une force d’expression dramatique dont l’exemple sera fécond.

"Pour peindre comme cela il faut être mort plusieurs fois, disait Van Gogh à propos de Rembrandt.

"Pour peindre comme cela il faut avoir beaucoup souffert, disait Cézanne devant un tableau du Tintoret.

Cézanne a tenté de découvrir une nouvelle loi de la forme, mais en ne s’écartant pas autant des seuls moyens de la peinture. D’une tasse de thé, il a fait un être doué d’une âme ou plus exactement il a distingué un être dans cette tasse. Il a élevé la nature morte au rang d’objet extérieurement mort et intérieurement vivant. Il a traité les objets comme il avait traité l’homme, car il avait le don de découvrir partout la vie intérieure.

Les couleurs

Cézanne ou la sensation pure devant la nature

Cézanne a tenté de découvrir une nouvelle loi de la forme, mais en ne s’écartant pas autant des seuls moyens de la peinture. D’une tasse de thé, il a fait un être doué d’une âme ou plus exactement il a distingué un être dans cette tasse. Il a élevé la nature morte au rang d’objet extérieurement mort et intérieurement vivant. Il a traité les objets comme il avait traité l’homme, car il avait le don de découvrir partout la vie intérieure. (Kadinsky, Du spirituel dans l'art,)

"L'art contemporain est né de la rupture avec le consensus… Face à la montagne de la sainte Victoire Cézanne est seul avec lui-même, seul avec la lumière qui ne cesse de lui échapper, seul avec sa lutte contre le temps.… le public de l'art moderne, c'est moi exclusivement : il y a l'œuvre et il y a moi. L'auteur de cette œuvre et moi, tous deux pris au piège de notre profonde intimité; quelque chose qui ne se partage pas." (Catherine Millet, "Le public de l'art moderne n'existe pas")

 

"On n'a pas encore découvert que la nature est plus en profondeur qu'en surface. Car, écoutez un peu, on peut modifier, parer, bichonner la surface, on ne peut toucher à la profondeur sans toucher à la vérité. Un besoin salubre d'être vrai vous prend. On ficherai sa toile à bas, plutôt que d'inventer, d'imaginer un détail. On veut savoir… savoir pour mieux sentir, sentir pour mieux savoir . Tout en étant le premier dans mon métier, je veux être simples. Ceux qui savent sont simples.… La nature, la sensations. " "Les faux peintres ne voient pas cet arbre, votre visage, ce chien, mais l’arbre, le visage, le chien. Ils ne voient rien. Rien n’est jamais le même."

"Il y a une logique colorée, par bleu. Le peintre ne doit obéissance qu’à elle. Jamais à la logique du cerveau. S’il s’y abandonne il est perdu. Toujours à celle des yeux. S’il sent juste, il pensera juste, allez. La peinture est une optique d’abord. La matière de notre art est là dans ce que pense nos yeux, la nature se débrouille toujours quand on la respecte, pour dire ce qu’elle signifie.… La nature j’ai voulu la copier et je n’y arrivai pas. J’avais beau chercher, tourner, la prendre dans tous les sens. Irréductible. De tous les cotés. Mais j’ai été content lorsque j’ai découvert que le soleil par exemple, ne se pouvait reproduire, mais qu’il fallait le représenter par autre chose… Par la couleur. Tout le reste les théories, le dessin qui est une logique…bâtarde entre l’arithmétique la géométrie et la couleur, le dessin qui est une nature morte, les idées les sensations mêmes ne sont que des détours.… Il n’y a qu’une route pour tout rendre la couleur.

"Les plans dans la couleur, les plans! Le lieu coloré où l’âme des plan fusionne, la chaleur prismatique atteinte, la rencontre des plans dans le soleil. Je fais mes plans avec mes tons sur la palette, comprenez-vous? Il faut voir les plans … Nettement…Mais les agencer, les fondre. IL faut que ça tourne, les volumes seuls importent. De l’air entre les objet pour bien peindre. Comme de la sensation entre les idées pour bien penser."

         

"Il y a devant nous un grand être de lumière et d’amour. L’univers vacillant l’hésitation des choses. Je serai leur olympe , je serai leur dieu. L’idéal au ciel s’épousera en moi. Les couleurs; écoutez un peu, sont la chair éclatantes des idées et de Dieu. La transparence du mystère, l’irisation des lois. Leur sourire nacré ranime la face morte du monde évanoui."` Cézanne

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"La beauté sauvera le monde"

 

Dostoïevski dans l'Idiot fait dire au prince Michtine : "La beauté sauvera le monde" "et l'art en est un instrument" dira S. Boulgakov. L’art doit être l’instrument de ce salut . Car l’art découvre le monde à la lumière de la Transfiguration (S. Boulgakov)) Il ouvre le monde sur l’infini, sur le mystère. L'art est l'instrument de ce salut, parce qu'il est instrument de guérison, de méditation, de purification, d'illumination et d'union au créateur par la création. l'art est sacrement, car c'est un don de Dieu, il est don de Dieu dans l'homme. L'art est instrument parce qu'il nous rend visible l'invisible, parce qu'il nous éduque le regard pour voir Dieu dans la transparence du monde. La beauté n’a peut être pas encore sauvé le monde, mais l’art aura sauvé l’étonnement puis l’émerveillement. S’il n’a pas révélé Dieu à tout le monde il en aura mis certains sur le chemins, il aura permis aux hommes de pressentir l’interrogation suppliante et émerveillée du Christ en face de son Père, des hommes face à Dieu.

Nicolas Berdiaev, qui propose d'intéressants développements sur le sujet qui nous préoccupe: "Les rapports entre le salut et l'acte créateur, le rôle de l'acte créateur dans la vie spirituelle posent des questions fondamentales dont dépendent l'avenir de la spiritualité dans le monde et la possibilité d'une nouvelle spiritualité. L'amour chrétien doit être compris comme la manifestation suprême de l'acte créateur dans la vie, comme la création d'une vie nouvelle. " I1 dit également: " L'art est une création transfiguratrice, non certes une transfiguration réelle, mais l'annonce de cette transfiguration. La beauté d'une danse, d'une symphonie, d'un poème, d'un tableau entrera dans la vie éternelle. L'art n'est pas passif; il est, au contraire, actif et, comme tel théurgique " Dieu attend avec impatience les résultats de notre créativité, car il " veut de moi un acte de création libre ", La créativité est notre devoir face à Dieu.

Selon Berdiaev, " il est impératif de se rappeler que la créativité de l'homme n'est pas un droit ou une exigence de notre part, mais un appel et une exigence de la part de Dieu à notre égard. Dieu attend l'acte créateur de l'homme, qui est une réponse à l'acte créateur divin ".

 

"La beauté sauve le monde" reprend Soloviev. Pourquoi la beauté exprime, soit le ciel, soit l'enfer? La beauté sauvera le monde et l'art en est un instrument. Si la beauté de Dieu peut sauver l’homme et avec lui tout l’univers, c’est parce qu’ elle apaise et guérit, elle motive, elle libère les énergies créatrices, elle unifie et elle nous ramène à nos origines: là où réside l'expression suprême du salut, de la guérison et de la victoire sur tous les dualismes. La beauté nous permet d'oublier la douleur pour reposer dans la joie. Comme le dit Simone Weil la beauté est "l'éternité ici-bas".

Ainsi l’art, rassemblant tous les hommes les unit à Dieu par l’esprit. A travers la matière spiritualisée par l’homme dans le rayon de la beauté de Dieu, les hommes communient à l’Être. La beauté est un éclat du mystère de l’Être. L’artiste n’est déjà plus totalement de ce monde, il est déjà sur le chemin qui conduit à l’invisible, à Dieu. "Tout visible est un invisible élevé à l’état de mystère." "L’art ne rend pas le visible, il rend visible." "En répandant mille grâces, Il a passé par ces bocages et les parcourant du regard, par son seul Visage, Il les a laissés revêtus de beauté." St Jean de la Croix regarde le monde et, dans le monde il cherche la trace du regard divin, et le monde est magnifié parce que le Christ l'a regardé, et Jean de la Croix l'aime parce qu'il est vêtu de Beauté."

Le peintre ou le sculpteur, dans la mesure où il est maître de son art, sait quelque chose de ce mystère des formes. Ce que montre le peintre ou le sculpteur n’est pas ce qu’on voit autour de nous. Ce que nous voyons voile la profondeur qui est à l’origine de la forme. L’artiste dévoile la profondeur. En prenant du recul par rapport au visible, il se fait proche de l’invisible. Le geste pur, l’action , l’acte pur, c’est le geste purifié de toute ambition, de l’angoisse. L’exercice spirituel a pour sens de devenir un autre. C’est en devenant un autre qu’on verra autrement.

Il y a un but, mais pas de chemin. Ce que nous nommons chemin n'est qu'hésitation. (Franz Kafka) La clairière est prisonnière, cernée de près par la forêt, et pourtant les troncs s'éloignent à l'appel des plaines et des collines. Les feuilles fuient loin du centre, loin de ce vide où la paix trouve son origine dans le rien de la lumière. (Jean Mambrino, Clairière, poèmes, Paris, DDB, 1974)

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Le salut par le regard"

"La Gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu " (Irénée):

L'art en soi n'est rien. C'est le regard de l'artiste qui peut être sensuel ou spirituel; L'art déroute et inquiète ceux qui n'ont pas le sens esthétique et qui craignent de quitter la raison. L'art est dangereux pour celui qui s'y livre sans discernement. IL y a toujours risque de confondre le sensible avec le spirituel. S'il ne faut pas les séparer, il ne faut pas les confondre mais les unir.

 

Regarder n’est pas seulement voir, mais faire attention à ce que l’on regarde. Regarder, consiste à "garder" le regard fixer sur quelque chose et garder à la mémoire et regarder pour garder. Le dictionnaire étymologique indique garder, veiller être sur ses gardes, attendre, faire attention. (avant garde, garde, garde du corps, gardien et si le regard était pour nous ce gardien de l'âme, cette garde du cœur dirons les moines) avoir des égards, veiller sur. Regarder en vérité, c'est veiller dans l'attente, comme un peintre contemple un paysage dans l'attente de l'émotion, de l’instant de l'émerveillement. Regarder, c'est contempler en silence en évacuant la rêverie, c'est être présent ici maintenant à ce qui est, sans analyser, sans réfléchir. Regarde le réel, comme dit S. Weil, non en disant: il a fait telle chose donc… Un vrai peintre, à force d'attention, est-ce qu'il regarde? Pendant ce temps sa main bouge, avec un pinceau au bout…C'est ainsi que le Christ doit être notre modèle. Penser le Christ, non notre image du Christ." Le regard n’est pas l’exercice d’une surveillance avide de prendre les choses en flagrant délit. Il est la vigilance d’une attention accordée à leur être. Le regard est une grâce d'attention, C'est fixer son regard sur quelqu'un, ce n'est pas seulement fixer son regard sur son corps mais sur sa personne, sur ses sentiments, sur son intelligence, ses angoisses, ses joies. Charles Péguy disait: " Il prennent toujours l’histoire pour l’événement, la carte pour le terrain, la géographie pour la terre. Qu’ils nous permettent de le eut dire : tout cela n’est pas si simple ni si vide, ni si mort. Tout cela est là. " ... qui nous regarde comme disait Baudelaire.

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Paul Baudiquey, "Donner à voir",  

 

"L’œil qui écoute prend cet envol, oublie, pour un temps le sujet peint et toutes les très érudites références des spécialistes. L’œil qui écoute redevient " natif ", offert à l’inattendu, à l’heureuse surprise, capable de cet  " heureux premier moment " dont parle Alain et qui est à la genèse de toute poésie, car la poésie est fille de l’étonnement.

Il nous faut redevenir ce rêveur dont parle Bachelard: " Il sent, ce rêveur, un être qui s’ouvre en lui Il s’ouvre au monde et le monde s’ouvre à lui... Deux profondeurs se conjuguent, se répercutent en échos qui vont de la profondeur de l’être du monde à la profondeur de l’être du rêveur. ... Le temps n’a plus d’hier et n’a plus de demain... Le monde est complément direct du verbe contempler ". La contemplation ne nous laisse jamais comme elle nous trouve: " étonnant comme mon regard a changer depuis que j’ai appris à regarder la peinture; je ne vois plus ni le monde ni les autres avec les mêmes yeux. "

Le monde de Rembrandt et de Vincent et de tous les vrais n’est pas un monde d’ostensibles vanités. Il est un monde d’engendrement douloureux et magnifique où mort et résurrection sont des réalités humblement quotidiennes, humblement reçues et vécues comme telles: " Pour peindre comme cela il faut être mort plusieurs fois, et d’interminable fois revenu à la vie;la confidence est sans prix ; elle est de Vincent devant l’Emmaüs de Rembrandt et qui est au Louvre; un homme est là assis à la table des pauvres, encore tout charbonneux de la passion qui l’a consumé tout entier. Rembrandt nous restitue l’identité sans faille du crucifié et du Ressuscité

L’Icône en est plus fine, plus précieuse et plus belle quand celui qui la peinte est passé par l’enfer. Et se dévoile à nos yeux la gloire du sensible, la seule qui vaille de compter et qui naît d’une vision, oublieuse du déjà vues et pourtant secrètement, fidèlement, inépuisablement nourrie d’elles. " Alors comme l’écrivait Mounier , l’éclat du jour se fera un peu plus vif. Le pommier prendra l’air un peu plus heureux, le chêne plus éternel. Et sur chacun de nos visages la grâce des jours uniques deviendra quotidienne."

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Braque : l’art dans sa source

Francis Ponge écrit à propos de Braque: " Il reconstitue le chaos natif ou naïf…le chaos, mot grec, signifiait paradoxalement, à l’origine, ouverture, abîme c’est à dire libération…Part la grâce de Braque nous voici revenus à l’origine du regard. Au lieu de reculer, dans la perspective, les choses avancent vers le regardeur. "

L’origine du regard de Ponge, rejoint la méditation chinoise sur l’essence de la peinture, par delà le regard optique et géométrique du physicien et de la perspective, un regard qui institue une présence à la chose qu’il rend visible dans son invisibilité et nous réinsère dans cette nature en profondeur, qui s’exprime à la surface à travers les couleurs, mais qui remontent des racines du monde."

 

"Dans l’art le monde se dévoile dans une sensation révélation", dit Braque. "Le réel, c’est ce qu’on n’attendait pas."

"Elle m'ont été données"

disait Braque de ses dernières toiles.

L'analogie de l'accueil de la grâce et l'écoute de la Muse, ou du génie est parfois étonnante!

 

L'art se situe entre deux monde, la matière et l'esprit. Il participe à la fois des deux. l'art dévoile l'être, il crée de l'être comme dit Bachelard c'est un acte créateur un véritable poïen. Il anticipe un avenir qui échappe, un monde qui n'a pas encore été, et c'est toujours sur les crêtes du futur qu'il nous conduit. La création artistique révèle "l'impossibilité de rester dans les limites de ce monde…Elle marque la fin de ce monde, le commencement d'un autre monde" La beauté, c'est de la matière transfiguré par l'Esprit. Au cœur de sa démarche, de son élan, l'art " est impliqué dans la manifestation du divin."

 

Ainsi par la médiation des artistes, un étrange courant de transcendance rend manifeste l’esprit qui est dans les choses. Peintres, musiciens, poètes, sculpteurs nous aident à voir, à entendre, à ressentir ce qu’il y a de spirituel dans la nature, dans la vie. Ils nous rend visible et sensible l’invisible, la présence d’un infini dans le fini, ils font apparaître la transcendance dans l’immanence. Le pouvoir de créer est une grâce, c’est un signe de notre transcendance.

 

 

" L’étonnement est d’abord étonnement du il y a . Il y a cet ébranlement pathétique car c’est l’apparaître qui nous convoque à la présence inaugurant cet éveil où nous sommes au monde en même temps qu’à nous-mêmes, lieu et acte in séparé de la naissance du monde et de notre naissance à Lui."

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Art et sagesse en chine, Le Tao de la peinture

Maldiney, Art et Existence, Kliencksieck, Paris, 1985, p. 178-179

Lorsque le pouvoir divin opère, le Pinceau-encre atteint la vacuité.

Le vide est nécessaire à l’Efficacité et à l’actualisation du Plein. Il est "le lien fonctionnel où s’opère la transformation.", transformation de l’un en l’autre qui ne fait qu’un avec celle de l’autre en l’un. Par le vide et en lui se trouve résolue en simultanéité d’espace la distinction temporelle de l’aller et du retour.

 

 

  

"Le Tao a pour origine le vide, du vide est né le cosmos dont émane le Souffle vital." Le vide est à la fois l’origine et la voie. Ce qui signifie que l’origine est la voie et la voie l’origine. La peinture chinoise est la révélation de ce mystère.

Partout doit s’emmêler Vide et Plein. Leur interpénétration n’est pas un mélange sans règle, mais une mutation. Les mutations sont des productions alternantes où chacun produit celui dont il est lui-même produit. Si tout Yin, tout Yang, c’est là le Tao", c’est aussi la peinture. Le tao est ce permet la séparation et l’unité des opposés: le lieu de la transformation. …Le vide est le lieu sans lieu dont la forme qu’il suscite fait un lieu d’être. La forme n’est pas la trace. Elle n’existe qu’à travers ses ruptures. "Dans le tracés des formes, bien que le but soit d’obtenir un résultat plénier, tout l’art de l’exécution est dans des notations fragmentaires et des interruptions. De chaque vide irradie le grand Vide duquel elles émergent et dans lesquels elles communiquent entre elles, dans l’unique souffle rythmique.…Le souffle et l’esprit procèdent du rien qui n’est pas rien, mais l’être véritable qui ne se laisse pas rabattre par l’étant, dont il est la condition d’être, qui est comme dit Lao Tzeu, le secret de l’être.

 

         
La peinture vit de ce secret." S’il est aisé au Pinceau-Encre de peindre le Visible, le Plein, il lui est plus difficile de représenter l’invisible, le Vide. Entre Montagne et Eau, la lumière des fumées et l’ombre des nuées sont sans cesse changeantes. Tantôt elles apparaissent, tantôt elles s’estompent. En plein éclat ou dissimulées, elles recèlent en leur sein le Souffle et l’Esprit. Le Anciens cherchaient par tous les moyens à en sonder le mystère.

 


Mi Fou 1051- 1107

 

"Bien des religieux se sont consacrés à la peinture parce qu’ils avaient compris que l’art est délivrance; ils peignaient pour purifier leur esprit et rafraîchir leurs yeux?" La peinture la poésie et la littérature comptent parmi les expressions les plus hautes d’un art de vivre qui intéresse l’homme tout entier. La peinture des lettrés est le chant d’une vie intérieure, qui s’est allégés des fardeaux périssables pour s’éterniser dans l’universelle harmonie. Le sage possède la vie en lui; tous les dieux présents dans l’univers se retrouvent dans son cœur. Concentré en lui-même, il voit s’effacer les limites de son individualité. Il oublie son corps et toutes choses et s’abîme dans l’océan de l’absolu réalité qui éternellement demeure. A cet état de félicité, l’artiste accède par une voie très simple Attentif à tout et à rien, éveillé à la seule joie de vivre, il entre en possession du Tout parce que dépossédé de lui-même, il ne possède plus rien."

"Le Tao de la peinture, c’est ce qu’on appelle l’univers tenu dans la main. Devant les yeux, il n’est rien qui ne soit énergie vitale; aussi ceux qui ont cultivé cet art vivent fort longtemps." "Tout le mystère est là: établir les identités secrètes par un deux à deux qui ronge les objets au nom d’une centrale pureté. Pour Mi Fou et ses amis, une peinture est un poème qui se voit. L’art est un moyen d’évasion vers le vrai. " Il suffit de dérouler en compagnie d’ami choisi, le fragile rouleau de soie ou de papier, pour échapper à la vie commune, s’évader le long des sentiers en lacis à travers les bois humides, franchir la porte étroite qui conduit vers l’au-delà tout proche. Qui le voit ainsi peut s’écrier: "C’est comme l’eau d’automne, clair et immobile; pure, elle est sans activité, quiète, il n’y a point d’obstacle en elle. Quand on parle d’un être tel que celui ci, on le donne pour un homme à qui il ne reste rien à faire. "Vide, il est pure efficience, vacant, il est merveilleux." (Nicole Vandier Nicolas, Art et sagesse en chine, Mi Fou, XIème)

 

Merci d'avoir déroulé avec moi ces pages de poésie et de rêves qui se donnent à voir.

François Darbois

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Création de cette page  20/1/2001            mise à jour : 03 avr. 2006