"A Abondance se trouve un des plus remarquable témoignage de la foi des moines défricheurs des hautes vallées alpines."

fresques de l'école de Giacomo Jacquerio XVème ?

 

Abbaye d'Abondance

 Haute-Savoie

à 30 km de Thonon et Evian

 

Bibliographie 

"Abbaye Notre-dame d'abondance", plaquette éditée par l'Office de tourisme

Jean-Marie Benand & Michel Daumas, "Abondance en Haute Savoie, les peintures murales"  

"Peintures murales médiévales des églises de Rhône-Alpes", Cahiers de René de Lucinge, Collection Art et Archéologie en Rhône-Alpes, n° spécial 7, page 171 à 175, édition de 1998, ISSN 0766-1150, Diffusion de Boccard

 base Mérimée : IA00125096; PA00118335

réf. Sites :  le site de la vallée d'Abondance www.abondance.com   & celui de Impens  www.impes.com

 

Histoire 

Un premier prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin est  fondé en 1108 par l’abbaye de Saint-Maurice-d’Agaune en Valais. La date de la fondation du premier prieuré (grâce aux terres cédées par la famille de Féternes, alors puissante famille féodale possédant le pays de Gavot) est incertaine : 1043 ou 1080 ? En 1108 le comte Amedée III de Savoie reconnaît la donation. L'abbaye Notre-Dame-de-l'Assomption est fondée en 1139 à l'emplacement du prieuré. Elle appartient d'abord aux chanoines réguliers de Saint-Augustin, puis aux cisterciens réformés de la congrégation des feuillants de 1606 à 1761. Les travaux commencés aux environs de 1280 sous l'abbatiat de Raymond, se poursuivent jusque vers 1350. Le cloître actuel est construit par l'abbé Jean IV entre 1330 et 1350 et décoré de peintures murales dans la première moitié du 15e siècle par l'atelier de Giacomo Jaquerio. Le monastère ruiné par un incendie en 1440 est reconstruit avant 1481 : les façades du couvent sont remaniées, on érige le logis de l'abbé commendataire, la nef et le clocher porche sont relevés, les collatéraux ne semblent pas l'avoir été. 

Au début du XVème siècle, sous Amédée VIII, futur antipape Félix V, période d'apogée des Etats de Savoie, les abbés sont proches de la cour qui réside souvent à Thonon. Ils participent au concile de Bâle (1431-1449), cela explique que certaines scènes témoignent des espoirs et des interrogations des dignitaires ecclésiastiques de cette époque. L'abbaye, une des plus influentes de l'ancien duché de Savoie, a des moyens conséquents lui permettant de financer le paiement de décors peints, alors réservés aux féodaux et ecclésiastiques fortunés. Les abbés sont proches de la cour d'Amédée VIII, qui réside souvent au château de Thonon, et ou travaillent des peintres de premier plan comme Crégorio Bono, Giacomo Jaquerio, Jean Bapteur…)

En 1633, nouvel incendie : reconstruction des planchers et voûtes des cellules des religieux, les trois premières travées de l'église ne sont pas rebâties, un mur aveugle ferme la nef et un portail latéral est ouvert dans l'élévation nord.

Le développement de la Commende et le fléchissement de la vie religieuse amenèrent François de Sales à intervenir pour rétablir l'ordre monastique qui fit la renomée de l'abbaye. En 1606, le Pape Paul V décrétera le remplacement des chamoines par des Cisterciens de la congrégation réformée des Feuillants. Le nouvel élan donné à l'abbaye sera de courte durée. Le déclin se poursuivra jusqu'à sa suppression en 1761.

Au XIX ème siècle, la mairie et ses annexes s'installent dans le corps sud du bâtiment.

 

L’église du XIIIème possède de véritables arcs-boutants, elle conserve une nef mutilée défigurée par une façade néo-gothique, sept chapelles rayonnantes circonscrites par un mur extérieur semi-circulaire, qui se développent autour du déambulatoire et du choeur ponctué de fortes colonnes rondes. Elle renferme un siège abbatial à trois sièges et baldaquin du XVe. Le cloître, construit entre 1331 et 1354 sous l’abbatiat de Jean IV et orné de peintures murales, n’a conservé que les deux galeries sud et est. Il formait un carré de cinq travées voûtées d’ogives à moulures en amande dont les arcades secondaires offrent des remplages trilobés et rosaces avec de fines colonnettes rondes reposant sur un banc continu. La porte de la Vierge, du cloître à l’église, montre une Vierge à l’Enfant foulant aux pieds le dragon, couronnée par quatre anges, encadrée par les statues-colonnes de l’Eglise et de la Synagogue.

Le clocher à bulbe, édifié en 1685, brûle en 1728 et est reconstruit contre le bras gauche du transept. En 1761, l'abbaye est définitivement fermée. A la Révolution, les bâtiments conventuels sont vendus et rachetés en 1836 par les frères Sallavuard qui cèdent le corps occidental pour le logement du curé. Dans la deuxième moitié du 19e siècle, la commune devient propriétaire du corps sud et y installe la mairie. Un musée d'art sacré, mentionné déjà en 1896, est intégré dans l'abbaye. Une partie du bâtiment oriental est toujours propriété privée. J.S. Revel architecte à Chambéry érige deux travées précédées d'un porche néo gothique à l'ouest de l'église de 1898 à 1900. En 1900, le cloître, acquis par l'état, est classé monument historique.

Fresques

L'auteur :

Actuellement la plupart des historiens d'art s'accordent pour dater les fresques d'Abondance du XV siècle, voire 1430 environ. Le peintre inconnu est certainement un artiste de premier plan qui a été marqué par l'influence de Giacomo Jaquerio célèbre fresquiste turinois, peintre attitré de la cour de Savoie, originaire du Val d'Aoste. Turin est au XVème siècle une ville des Etats de Savoie. On sait que Jaquerio effectue entre 1401 et 1430 de nombreux séjours en Savoie. Clément Gardet, ancien président de l'Académie Florimontane, envisageant même l'intervention de son atelier ou de proches collaborateurs à Abondance.  Présent en 1411 et 1412 à Genève pour des travaux au château de Ripaille, on le retrouve en 1425 au château de Thonon. La cour de Turin l'emploie de 1429 à 1440, puis il peint, après 1451, la chapelle Saint-Blaise à Sant'Antonio di Ranverso. Il meurt le 27 avril 1453. Si le maître Jaquerio n'est pas personnellement intervenu à Abondance, son influence stylistique sur les auteurs de ces peintures est indiscutable: l'atmosphère du Val d'Aoste qui s'en dégage, les nombreux détails spécifiquement piémontais relevés dans l'iconographie et les personnages, sont caractéristiques de son style.

Ces fresques ont été restaurées une première fois en 1910 par Louis-Joseph Yperman, puis en 1959 par Hypermanet; elles sont à nouveau en restauration depuis 1977.

 

L'abbaye est dédiée à Notre-Dame de l'Assomption, rien d'étonnant à ce que le cycle des peintures soit consacré à la vie de Marie. Le visiteur éclairé qui parcourt les galeries du cloître, sera étonné de trouver à Abondance des influences diverses : toscane, piemontaise, lombarde, française, voire flamande…Rien de surprenant à cela si l'on sait qu'au Moyen âge, la Savoie est une voie de passage importante entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, qu'à cette période d'apogée des Etats de Savoie, le duc Amédée III est lié par des liens familiaux aux ducs de Berry, de Bourgogne, de Milan, tous protecteurs éclairés des arts. Sans parler du recrutement par la cour de Savoie de peintres italiens, et des relations très étroites entre la Savoie et la cour pontificale d'Avignon, à la fin du XIV siècle, à une époque où le premier antipape s'appelait Robert de Genève. Cet ensemble de peintures murales consacré à la vie de Marie est unique en Savoie et apparaît rarement dans les édifices français. C'est un chef-d'œuvre de la peinture médiévale savoyarde et des 24 ou 25 scènes originelles, 6 sont encore bien lisibles.

Les fresques fourmillent de détails témoignant de la vie médiévale savoyarde. Si les références à la vie de tous les jours sont fréquentes, une lecture attentive permet d'observer des éléments proches des réalités historique, économique, géographique, religieuse de ce début du XV siècle.

Les fresques de la galerie est représentent la jeunesse de la Vierge et, dans la galerie sud, son rôle dans la vie cachée du Christ. Les Noces de Cana offrent de charmants détails de la vie quotidienne au travers de paysages chablaisiens. Influencées par les primitifs italiens, on peut les dater du milieu du XVe siècle, du temps de l’abbé Guillaume de Lugrin. Des 24 peintures murales qui devaient orner le cloître, seules 16 ont résistés aux nombreux incendies et sont encore plus ou moins visibles. 12 sont encore identifiables. Il s'agit de scènes de la vie de la Vierge.

 

La galerie orientale illustrait l'enfance de la Vierge, elles sont aujourd'hui fort effacées. La galerie sud illustre la naissance de Jésus. La galerie occidentale illustre la vie du Christ et de la Vierge. La galerie nord, aujourd'hui disparue illustrait la Passion du Christ ou la Glorification de la Vierge.

 

 

L'Annonciation

L'Annonciation
L'Annonciation
L'Annonciation

Cette scène est en partie effacée. La Vierge agenouillée dans une chapelle à l'architecture flamboyante, fait face à l'ange qui apparaît à gauche de la scène, et de la bouche duquel sortent des paroles. La colombe du Saint-Esprit descend devant le visage incliné de la Vierge. La composition est centrée sur le lys, symbole de pureté.

La Visitation

La Visitation
La Visitation
La Visitation
La Visitation

Photographie Patrick Brault

La Vierge Marie rend visite à sa cousine Elisabeth enceinte de Jean-Baptiste les deux femmes, d'âges différents, s'étreignent dans la cour. La maison, avec ses tuiles romaines, ses deux niveaux de loggias à colonnes, et son crénelage à merlons bifides, évoque l'architecture piémontaise.

Le cadre évoque l'Italie. La présence de Joseph sans nimbe est très surprenante. Il est sans doute là pour répondre aux accusations d'un texte païen écrivant que le père de Jésus était un soldat romain. Entre 1439 et 1441, l'anticoncile de Bâle reconnaîtra l'Immaculée Conception et la " Visitation " . Le culte de Joseph est peu marqué en Occident au Moyen-Age, cela explique qu'il ne soit pas auréolé.

 

La Nativité et l'Adoration des bergers

La Nativité et l'Adoration des bergers

La Nativité et l'Adoration des bergers

L'Enfant Jésus vient de naître, la Vierge le contemple et Joseph sommeille. Une femme prépare le bain de l'enfant. Dans le registre supérieur, les anges annoncent la nouvelle aux bergers, alors que l'Adoration est traitée dans la scène principale. Le décor évoque la Savoie. La cabane en bois est recouverte d'ardoises, la grande variété des fleurs, le moulin à blé et le relief escarpé sur lequel les bergers sont juchés, sont autant de détails de type montagnard.

La Nativité et l'Adoration des bergers

La Nativité et l'Adoration des bergers

La scène est archaïque depuis que les révélations de Sainte Brigitte de Suède nous ont appris à voir un enfant nu, rayonnant de lumière. Les détails ethnographiques locaux - sauf le bœuf qui n'appartient pas à la race d'Abondance - sont nombreux (tabouret, cuvette...). Le paysage évoque la vallée.

 

Le visage de Marie est proche de celui d'une princesse de Savoie. Joseph sommeille, il n'est pas le père, son intelligence humaine ne peut lui permettre de comprendre. Une servante verse de l'eau dans une cuvette en bois, comme il en existait encore au début du XXème siècle, il faudra bien le laver.

Au sommet d'une montagne non enneigée - la naissance n'a pas eu lieu à Abondance mais en Palestine - un phylactère annonce aux bergers interloqués la nativité du Messie

L'âne est irrévérencieux, il brait et détourne la tête, il ne veut voir " la lumière ". Cette attitude est fréquente dans les " Nativités " des Etats de Savoie au XVème siècle. C'est la conséquence des écrits de Saint Jérôme qui a vu en lui le symbole de l'Ancien Testament et dans le bœuf celui du Nouveau.

 

 

La Circoncision

La Circoncision     La Circoncision

Cette peinture très abîmée est connue par des photos anciennes. L'Enfant Jésus, sur l'autel du Temple, est entouré de sa mère, du grand prêtre qui officie, et du vieillard Siméon qui lui maintient la tête. L'architecture, de style flamboyant, est semblable à celle de la Présentation au Temple. Sur la clef de voûte pendante figurent les armes de Savoie.

 

La Fuite en Egypte

La Fuite en Egypte
La Fuite en Egypte

Marie tourne son regard angoissé vers Abondance qu'elle vient de quitter. Ses yeux sont bridés à la manière de Giotto et Duccio

 

 

Le paysage constitue l'élément essentiel de cette scène. Les personnages sacrés sont ramassés dans la partie basse. Cette peinture illustre le pouvoir du Duc qui possède alors la presque totalité de la région lémanique dont c'est sans doute la première représentation peinte. Au centre de la scène, un porteur de fromages d'Abondance ( ?) nous rappelle que ceux-ci faisaient partie d'un commerce important.

Les moulins à vent n'existaient pas à cette époque en Savoie. La ville pourrait être Lausanne alors éloignée du Léman. Joseph porte une gourde en bois et une marmite comme les montagnards lorsqu'ils gagnaient les alpages.

 

La Fuite en Egypte

Deux épisodes différents sont ici représentés. A gauche, Joseph, endormi sur le bât de son âne, voit en songe un ange qui l'avertit du danger encouru par l'Enfant Jésus. A droite est peinte la Fuite en Egypte. La Vierge, assise sur l'âne que tire Joseph, donne le sein au nourrisson. Son visage exprime l'inquiétude. Les scènes ont pour cadre un paysage de montagne, sans doute les Alpes et les bords du lac Léman.

 

Jésus au milieu des docteurs

Jésus au milieu des docteurs

La scène illustre le récit de Saint Luc au moment des retrouvailles. La discussion est animée. Les visages des docteurs sont caricaturaux, voire grotesques - l'un deux se mouche. Jésus adolescent est assis sur un trône qui pourrait être abbatial.

Jésus au milieu des docteurs

Jésus au milieu des docteurs

Jésus au milieu des docteurs  Jésus au milieu des docteurs

Dans un édifice à arcades surmontées d'un entablement couronné de quatre statues, Jésus adolescent, la main levée, enseigne les commandements de Dieu aux docteurs de la Loi. Leurs visages sont caricaturaux. Leurs attitudes montrent qu'ils ont du mal à le croire. La Vierge et Joseph regardent la scène de l'extérieur.

 

Les Noces de Cana

 

 

Le banquet, dressé à l'intérieur d'une salle ornée d'une tenture verte, est donné en l'honneur des jeunes mariés placés au centre. La Vierge se tourne vers le Christ assis à la droite de l'époux. Jésus lève alors la main et le miracle s'accomplit : l'eau du tonnelet, porté par un serviteur à l'entrée de la pièce, se change en vin. A gauche de la mariée se tiennent saint Jean l'Evangéliste, saint Pierre et un personnage richement vêtu. La vaisselle disposée sur la table est celle en usage au 15e siècle, comme les costumes des mariés et des serviteurs. Cette peinture est remplie de détails de la vie quotidienne savoyarde : sous un large manteau de cheminée, où pend une crémaillère, sèchent des jambons et des saucisses. Sur un mur sont accrochés soufflet et ustensiles de cuisine. Au balcon de la loggia, des femmes suspendent du linge. Le cadre architectural est assez proche de celui de la Visitation : loggia à arcades, merlons et tuiles romaines.

 

Les Noces de Cana

Les Noces de Cana

 

Dans cette scène, les éléments pittoresques Chablaisiens (charcuterie, fromage, pain...) sont essentiels. Les deux personnages trinquant, Saint Pierre pape et l'empereur de Byzance( ?) sur fond de teinture verte - la couleur symbolisant l'Eglise romaine !- illustrent peut-être la volonté du concile de Bâle de réunir les églises orthodoxes et catholiques.

 

 

Un vacherin d'Abondance - fromage inventé ( ?) par les chanoines - est tendu à travers le passe plat. Ce fromage, alors très recherché, figurait sur les tables des papes d'Avignon, des doges de Venise et de la cour de Savoie...

L'Annonce à la Vierge de sa mort prochaine

L'Annonce à la Vierge de sa mort prochaine

Il s'agit peut-être de la scène décrite par la Légende Dorée : après l'Ascension du Christ, un ange apparut à la Vierge avec la palme des morts, pour lui annoncer qu'elle allait bientôt rejoindre son fils. Il ne reste que la partie supérieure de la peinture. On discerne encore, cependant, deux têtes nimbées de part et d'autre d'une palme. Au début du XXe siècle, un témoin décrit un ange agenouillé tenant une palme face à un personnage assis dans un fauteuil, sans doute la Vierge.

 

Le cloître de l'Abbaye

Visite libre tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 17h.

Visites guidées à 10h et 15h + en juillet/août à 17h.

Visite libre 1,80€ - Visite guidée 3,20€

Réservation pour les groupes au 04 50 81 60 54

L'état de conservation des fresques du XVème  

et le cloître du XIVème méritent une visite.

Une exposition concernant l'église abbatiale vous sera présentée lors de la visite du cloître, durant la fermeture.

Le musée d'art religieux

Une grande collection d'objets et d'ornements liturgiques anciens sont regroupés dans l'ancienne abbaye.

Visite pour les groupes, sur réservation au presbytère.  

Tél. 04 50 73 00 22

L'église abbatiale est actuellement fermée au public pour cause de restauration intérieure.

Abondance possède un riche patrimoine religieux, le cloître et l'abbatiale vous permettent de faire un bond dans un passé où l'histoire de la Vallée se confond avec celle de l'Abbaye.

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