La beauté 

sauvera le monde”  

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Dostoïevski dans l'Idiot fait dire au prince Michtine : "La beauté sauvera le monde"[1] "et l'art en est un instrument" dira S. Boulgakov. L’art doit être l’instrument de ce salut . Car l’art découvre le monde à la lumière de la Transfiguration (S. Boulgakov)) Il ouvre le monde sur l’infini, sur le mystère. L'art est l'instrument de ce salut, parce qu'il est instrument de guérison, de méditation, de purification, d'illumination et d'union au créateur par la création. l'art est sacrement, car c'est un don de Dieu, il est don de Dieu dans l'homme. L'art est instrument parce qu'il nous rend visible l'invisible, parce qu'il nous éduque le regard pour voir Dieu dans la transparence du monde. La beauté n’a peut être pas encore sauvé le monde, mais l’art aura sauvé l’étonnement puis l’émerveillement. S’il n’a  pas révélé Dieu à tout le monde il en aura mis certains sur le chemins, il aura permis aux hommes de pressentir l’interrogation suppliante et émerveillée du Christ en face de son Père, des hommes face à Dieu.

 Nicolas Berdiaev, qui propose d'intéressants développements sur le sujet qui nous préoccupe: «Les rapports entre le salut et l'acte créateur, le rôle de l'acte créateur dans la vie spirituelle posent des questions fondamentales dont dépendent l'avenir de la spiritualité dans le monde et la possibilité d'une nouvelle spiritualité. L'amour chrétien doit être compris comme la manifestation suprême de l'acte créateur dans la vie, comme la création d'une vie nouvelle. » I1 dit également: « L'art est une création transfiguratrice, non certes une transfiguration réelle, mais l'annonce de cette transfiguration. La beauté d'une danse, d'une symphonie, d'un poème, d'un tableau entrera dans la vie éternelle. L'art n'est pas passif; il est, au contraire, actif et, comme tel théurgique » Dieu attend avec impatience les résultats de notre créativité, car il « veut de moi un acte de création libre », La créativité est notre devoir face à Dieu.

Selon Berdiaev, « il est impératif de se rappeler que la créativité de l'homme n'est pas un droit ou une exigence de notre part, mais un appel et une exigence de la part de Dieu à notre égard. Dieu attend l'acte créateur de l'homme, qui est une réponse à l'acte créateur divin ».

 

"La beauté sauve le monde" reprend Soloviev. Pourquoi la beauté  exprime soit le ciel soit l'enfer? La beauté sauvera le monde et l'art en est un instrument. Si la beauté de Dieu peut sauver l’homme et avec lui tout l’univers, c’est parce qu’ elle apaise et guérit, elle motive, elle libère les énergies créatrices, elle unifie et elle nous ramène à nos origines: là où réside l'expression suprême du salut, de la guérison et de la victoire sur tous les dualismes. La beauté nous permet d'oublier la douleur pour reposer dans la joie. Comme le dit Simone Weil la beauté est "l'éternité ici-bas".

Ainsi l’art, rassemblant tous les hommes les unit au divin par l’esprit. A travers la matière spiritualisée par l’homme dans le rayon de la divine beauté , les hommes communient à l’Être, qui est être avec, être ensembloe rassemblé par la Beauté. La beauté est un éclat du mystère de l’Être. L’artiste n’est déjà plus totalement de ce monde, il  est déjà sur le chemin qui conduit à l’invisible, et donc au mystère du divin dans l'humain «Tout visible est un invisible élevé à l’état de mystère.»[2]  «L’art ne rend pas le visible, il rend visible.»[3] Quoi? la beauté du divin dans l'humain, au coeur de la matière transfigurée par la lumière de la Beauté «En répandant mille grâces, Il a passé par ces bocages et les parcourant du regard, par son seul Visage, Il les a laissés revêtus de beauté.» St Jean de la Croix regarde le monde et, dans le monde il cherche la trace du regard divin, et le monde est magnifié parce que le Christ l'a regardé, et Jean de la Croix l'aime parce qu'il est vêtu de Beauté.»[4]

Le peintre ou le sculpteur, dans la mesure où il est maître de son art, sait quelque chose de ce mystère des formes. Ce que montre le peintre ou le sculpteur n’est pas ce qu’on voit autour de nous. Ce que nous voyons voile la profondeur qui est à l’origine de la forme. L’artiste dévoile la profondeur. En prenant du recul par rapport au visible, il se fait proche de l’invisible.[5] Le geste pur, l’action , l’acte pur, c’est le geste purifié de toute ambition, de l’angoisse. L’exercice spirituel a pour sens de devenir un autre. C’est en devenant un autre qu’on verra autrement.

"Il y a un but, mais pas de chemin. Ce que nous nommons chemin n'est qu'hésitation". (Franz Kafka) "La clairière est prisonnière, cernée de près par la forêt, et pourtant les troncs s'éloignent à l'appel des plaines et des collines. Les feuilles fuient loin du centre, loin de ce vide où la paix trouve son origine dans le rien de la lumière. " (Jean Mambrino, Clairière, poèmes, Paris, DDB, 1974)

François Darbois


[1]Dostoïevsky, L'idiot,

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[2] Novalis

[3] P. Klee

[4] Zundel, TVL; p. 436.

[5] K. Graf Durkeim, Le centre de l’être, Albin Michel, p. 167, Spiritualités vivantes.

[6] S. Weil, C.S. Notes écrites à Londres.

François Darbois

 

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