Derrière le miroir, 

ouvrir le presque rien, 

 

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Au-delà du miroir, il y a quoi ? Rien. Il y a toujours l'image d'une image, à l'infini. Autant, il y a de miroirs, autant d'images s'ouvrent à l'infini des perspectives. Derrière le miroir, il n’y a rien ou presque rien, de simples images, sur lesquels nous accrochons quelques pauvres mots. Mais ce n'est pas rien, en tout cas, pas grand chose. Une simple image, ce n'est déjà plus tout à fait une chose. Mais derrière l'image, si l'on met un autre miroir, il y a l'image de l'image et cela à l'infini  des miroirs de lectures et des interprétations ? N’y a-t-il pas au fond qu’illusions dans ce grand vent d'images, celles qui se répandent dans l'immensité vide des moyens de communication anciens et modernes ? Mais au-delà des images, il y a quoi ?Rien ou presque rien. Il y du néant mais pourquoi pas de l'être, par delà les choses et leurs représentations ? Là est toute la question. Mais c’est quoi de l’être ? Ce n’est rien, ce n’est pas une chose, c’est peut-être alors autre chose que la chose elle-même ? Mais la réponse tune la trouveras pas dans les livres, ni les universités, ni dans aucune institutions extérieur. La vraie réponse, c’est la question. Et tu l'as en toi, car elle dépend de toi.

Derrière le miroir des représentations infinies des choses, il y a ce que chacun veut bien voir, une absence infinie ou une présence. Mais celle-ci n'est pas dans les choses ou derrière leur miroir, elle est en toi, mais elle n'est pas uniquement toi, elle dépend de toi, mais elle t'emmène au-delà de toi, elle dépend de ton regard et de ta présence. Les choses et leurs images sont toujours là pour rien, ou presque rien, pour poser question, remettre en question nos représentations et nous même. Elles sont là, pour ouvrir. Pour ouvrir à quoi ? A rien, ou au Rien, c’est selon. Elles sont toujours déjà là,mais c'est toi qui n'es pas encore là. Les choses sont là pour t'attendre. Elles t'appellent, où ? A venir là-bas, de l'autre coté, sur l'autre face des choses, là-bas , au-delà du désert des mots, dans cet arrière pays, plein de lumière et de parfum. Les choses sont là, pour susciter ta présence. Si tu penses qu'il n'y a rien ; rien à voir, rien à dire, rien à faire, il n'y a effectivement rien derrière le miroir. Et c'est le vide, et pour toi le vertige et la folie devant ces espaces infinis qui se dérobent sous tes pieds, au-delà de toutes les représentations, de tout ce qui te rassure et te permet d'habiter les choses.

Nous croyons voir et en fait, nous ne voyons que des images de réalité. Le réel passe infiniment le réel de nos représentations. La vie concrète, le réel ne se réduit jamais à l'image que nous avons construite pour l'habiter. Le réel dans toute sa complexité est au-delà de tout ce que nous pouvons en saisir. Le réel est insaisissable et ne peut s'approcher que par la caresse. Les choses ne sont pas un donné dont tu peux te saisir ici et main_tenant, ni tenir dans tes mains, mais un don qu'il te faut caresser avec respect pour entrer dans son mystère. Les choses ne sont pas devant nous comme des questions sans réponse,les choses et les mots ne sont là que pour nous ouvrir au questionnement. Sortir des images et des représentations apprises à l’école de la république ou au catéchisme dérange. Qui ? Les esclaves et les bourgeois endormis dans les discours tout fait, prêt à porter. Ca les dérange mais ça les réveillent. Certains n’aiment pas cela. Et ils préfèrent leur dire : " Dormez bonne gens " Dormez donc, si vous n’aimez pas la vie nomade et le désert ! Retournez à la vie d’esclavage et à vos représentations pharaoniques. Ce qui est vraiment révolutionnaire, chez Moïse comme chez tous ceux qui l’ont suivi, et chez les rares qui le suivent encore, c’est le questionnement. La seule nourriture, en ce lieu désert,celui des mots et des images plus terrible encore que celui du Sinaï, c’est le questionnement, toujours et sans cesse repris, toujours ouvert à l’infini. La manne " Manou " veut dire " qu’est-ce que c’est ? "la manne c’est une question dont il faut se nourrir l’esprit chaque jour, et on ne peut la garder, car sinon elle pourrit. Les questions que l’on n’ouvrent plus, surtout celles que l’on n’ose pas se poser, pourrissent, non seulement, elles-mêmes, mais elles nous pourrissent la vie et notre âme, et celle de tout le monde qui nous entoure.

Mais si tu oses cette difficile liberté , alors ta vision du monde aura changé, comme pour les grands peintre comme Cézanne, Matisse et Braque. Ton monde, alors, s'ouvre comme un puits sans fond, un abîme sans limite, sans représentation qui puisse clore le champ ouvert par les images et les mots, les représentations infinies dans l'espace , le temps, et les cultures. Au lieu de rester" devant ", tu es invité à entrer toi-même" dedans ", c’est-à-dire dans le jeu, celui des mots et des choses. Si tu joues ce jeu, si tu réponds à l'appel des choses et des représentations, si tu sais attendre et caresser les choses et les mots, sans les prendre ni les enfermer dans les grilles de tes représentations, dans les barbelés de tes interprétations déjà acquises. Si tu commences par les caresser sans les violer, alors elles se mettent à parler. Oui elles te parlent! Si tu sais prendre du recul, jouer, jouir et ouïr, dire oui au dialogue avec les choses, "être dedans, jamais devant", alors ces objets inanimés,ces choses et ces représentations qui semblaient mortes, se remettent à vivre,elles se lèvent belles et nues dans la virginité de ton regard devenu pauvre,vide de toute représentation. Alors c'est ton regard qui les ressuscite et qui leur donne vie.

Consentir à l'échec de toute représentation, passer à travers tous les miroirs brisés des représentations, consentir au vide est la porte qui ouvre sur l’autre bord du miroir. S'il faut mourir pour voir Dieu, en tout cas pour voir l'autre bord du miroir, il faut mourir à ces anciennes représentations. Pour voir les choses et leurs images comme un don et non simplement comme un donné, il faut mourir à la prise de vue, au déjà vu. S'il n'y a pas cette déprise, le miroir des choses est une méprise. Si tu n'entres pas dans la surprise du surgissement de ces images, si tu ne brises pas tous ces miroirs, tu ne peux passer par cette porte étroite entre le visible, le lisible et l'invisible. L 'Un-dit-cible est la cible, c’est à dire le but, le sens du sens au-delà de toutes les images en miroir. L'indicible ne s'ouvre que dans le non-dit. L'invisible ne se laisse voir que dans le non-vu. Mais cet indicible avait besoin du" dit-cible ", comme l’invisible du visible, comme nous avons besoin des choses pour voir, du " dit "personnel , pour entendre le non dit, mais il ne faut pas s'y enfermer, ni dans son propre dit, ni dans les " on-dit ", il faut toujours ouvrir la parole à l'infini qui s'ouvre dans l'entre deux de ses représentations. Le faire et le savoir ne s'opposent pas, ils sont là pour nous conduire sur le chemin du savoir-faire, au non-savoir et au non-agir. Plus tu sais, plus tu te rendras compte que tu ne sais rien ! ou pas grand chose. Que le monde s’ouvre sous chacun de tes pas. Plus tu fais de choses et surtout plus tu fais de discours sur les choses et parfois sans faire les choses que tu dis, plus tu prends conscience de la relativité et de la distance entre tes discours et ton action, entre la vie et ses représentations, entre les choses et les mots. Plus tu avances sur le chemin de la vie, plus tu approches de la porte de la mort et plus tu aperçois cette déchirure du Rien. Alors tues pris de vertige, tu es pris par le vertige du néant, celui de nos représentations, mais surtout par celui du sens même de notre vie. Alors tu entres dans ce ravin de ténèbres, celui de l'angoisse, au bord du miroir de la folie et du mensonge de nos discours. Plus tu perds pieds, plus tu perds tes références et tes racines, plus tu entres dans le silence des mots, plus tu deviens capable d’entendre la musique des choses. Alors ta terre, ta race, ta culture , et même ta propre histoire, ne sont plus tes seules origines. Alors tu deviens libre pour prendre racine dans un autre monde.

Alors tu découvres que tu es un autre, que tu n’es plus d’ici, que tu n’as plus de main-tenant, tu ne tiens plus à rien, tu peux lâcher tes amarres, tu n’as plus de lieu d’origine, tu deviens un étranger sur ta propre terre, tu découvres en toi une origine qui n’est pas toi, qui est en toi et qui vient d’au delà de toi, une origine qui n’est pas enfermée dans le fini des choses et des images. Tu n’es plus enfermé dans le monde des représentations. Tu te découvres une origine infinie, tu n'as plus de lieu, de terre, de culture, de références ; ton monde se dérobe sous tes pieds. Tu n'as plus lieu ;c'est dans l’échec et la mort de ces dualités que peut naître alors quelque chose de neuf et de vivant. Mais, ici, c’est-à-dire là-bas, de l’autre coté du miroir, en ce non-lieu et ce non-temps, quand les choses ne sont plus seulement des choses, qu’elles deviennent plus qu’elles-mêmes. Alors les images et les mots ne sont pas seulement des représentations limitées, elles ouvrent sur un monde nouveau, un monde de présences et d'absences, un monde de relations entre les mots et les choses. Tu peux dire que tu es mort au monde ancien, celui des choses et des mots, celui du faire et du savoir. Tu es né à un nouveau monde, le monde de l'entre-deux, ouvert par la déchirure du rien.

La gaîté manque au grand roi sans amour;

La goutte d'eau manque au désert immense.

L'homme est un puits où le vide toujours

Recommence." 

Victor Hugo, LesContemplations, , Aurore, I,  Poésie/Gallimard, p. 34

 Dans cet " Ouvert " du Rien, qui est l'univers de la non-dualité, dans la nudité de l'art des mots et la nullité de toute représentation, tu accèdes alors à la non-dualité. C'est dans la déchirure du faire et du dire que l’œuvre peut naître en toi et de toi, de cet au-delà de toi-même. C'est dans la prise de conscience de l'écart entre le faire et le dire que tu accèdes à la déchirure, au Rien qui ouvre sur l'au-delà du miroir. C’est toujours l’infini qui se voile et se dévoileq uand le fini se déchire dans l’entre-deux de nos représentations, dans l’écart entre deux mots, deux images, deux gestes, deux personnes en vis-à-vis. Quand se déchirent les grilles de lectures, quand tombent les murs du déjà-vu,quand sont arrachés les barbelés de nos représentations et que les miroirs sont brisés, la parole pauvre et nue peut naître. L’enjeu de ce jeu est un autre jeu, celui où le jouer devient le sujet et l’objet, et donc l’enjeu du jeu ; et c’est Toi, qui t’ouvres à ton nouveau" JE ". Pour devenir soi-même et sortir de ce petit ego préfabriqué par une culture et un milieu, pour naître à soi-même comme un autre , il faut changer de regard.

En ce non-lieu,en ce non-temps, dans l'En-dehors du temps et de l'espace, s'opère le miracle de la transmutation des mots et des choses. Mais il faut consentir à se coucher dans le lit de l'histoire et à mourir nu sur la terre, pour accoucher de l'autre coté des mots, de l'autre coté du miroir des choses. Derrière le miroir, il n'y a pas que du néant, il n'y a qu'un presque rien, il y a le Rien ; mais ce Rien n'est pas rien, il est…, il est l'autre côté des mots et des choses, la parole, dans sa divine origine et dans son éternelle naissance. La parole naît des mots et des choses, elle s’y fait  présence réelle et agissante.

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