Le regard de l'artiste

citations: A. de Saint Exupéry, H. Maldiney, Kundera

François Cheng,  Jean Louis Chrétien

Cézanne,   Tal Coat

Petite bibliographie / regard

 

« Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux ». - « L’essentiel est invisible pour les yeux », répéta le Petit Prince, afin de se souvenir.

... « Les étoiles sont belles, à cause d’une fleur que l’on ne voit pas... Le désert est beau. Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. - Oui, dis-je au Petit Prince, qu’il s’agisse de la maison, des étoiles ou du désert, ce qui fait leur beauté est invisible !

... « Les hommes, chez toi, dit le Petit Prince, cultivent cinq mille roses dans un même jardin, et ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent... Et cependant, ce qu’ils cherchent pourrait être trouvé dans une seule rose ou un peu d’eau... Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le coeur. - Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries ». (Antoine de Saint-Exupéry).

 

Paul Klee: "L’art ne rend pas le visible, il rend visible."

"Tout visible est un invisible élevé à l’état de mystère."

" L’étonnement est d’abord étonnement du il y a"

Il y a cet ébranlement pathétique car c’est l’apparaître qui nous convoque à la présence inaugurant cet éveil où nous sommes au monde en même temps qu’à nous-mêmes, lieu et acte in-séparé de la naissance du monde et de notre naissance à Lui."

"Dans l’art le monde se dévoile dans une sensation Révélation, dit Braque. "Le réel c’est ce qu’on n’attendait pas." écrit Maldiney

pour Abraham Heschel, l'art et la mystique se définissent comme une expérience de "stupéfaction radicale." Le mystique en nous est littéralement bouche bée devant l'aspect formidable des choses. "L'émerveillement est le début de la sagesse et précède la foi. "

Kundera

"Notre regard sur le monde n’est jamais un regard extérieur au monde, il est forcément immergé dans le monde, il est toujours dedans jamais devant, nous n’avons jamais une distance suffisante, sinon par une sorte d’hypnose. Nous portons alors sur le monde un regard de somnambule. Or au fur et à mesure que le monde change, notre regard change aussi. Notre regard est donc conditionné par notre vision du monde, par nos représentations, nos images." Kundera

"Le regard de l’artiste est ébloui, il voit à travers l’écran dans l’ombre d’une matière opaque, il aperçoit la lumière invisible. Il éclaire de l’intérieur une matière qui devient alors écrin et vitrail qui surgit de ses mains. L’artiste n’invente pas des abstractions, il dévoile ce qui est caché dans l’ombre des choses"

"L’artiste simplement voit ce qui est, là, derrière le miroir, au dedans, alors que nous n’étions pas là, nous étions au dehors sans voir. Il nous invite à entrer, il rend visible ce qui est caché là."

"Son regard s’oppose au regard hypnotique du pouvoir, du savoir et de l’avoir .Le regard d’amitié unifie et réconcilie les contraire, il s’oppose au regard totalitaire et fractionné. Le regard de l’artiste est un regard d’espérance qui voit ce qui est à venir, en train de venir par sa médiation."

Il n’a pas peur du vide des choses, il ose les regarder dans leur néant . Il sait affronter l’angoisse et n’a pas peur d’être exclu du mystère auquel il participe" Kundera

L'art en soi n'est rien. C'est le regard de l'artiste qui peut être sensuel ou spirituel; L'art déroute et inquiète ceux qui n'ont pas le sens esthétique et qui craignent de quitter la raison. L'art est dangereux pour celui qui s'y livre sans discernement. IL y a toujours risque de confondre le sensible avec le spirituel. S'il ne faut pas les séparer, il ne faut pas les confondre mais les unir.

 

Regarder n’est pas seulement voir, mais faire attention à ce que l’on regarde. Regarder, consiste à "garder" le regard fixer sur quelque chose et garder à la mémoire et regarder pour garder. Le dictionnaire étymologique  indique garder, veiller être sur ses gardes, attendre, faire attention. (avant garde, garde, garde du corps, gardien et si le regard était pour nous ce gardien de l'âme, cette garde du cœur dirons les moines) avoir des égards, veiller sur. Regarder en vérité, c'est veiller dans l'attente, comme un peintre contemple un paysage dans l'attente de l'émotion, de l’instant de l'émerveillement. Regarder, c'est contempler en silence en évacuant la rêverie, c'est être présent ici maintenant à ce qui est, sans analyser, sans réfléchir. Regarde le réel, comme dit S. Weil, non en disant: il a fait telle chose donc… Un vrai peintre, à force d'attention, est-ce qu'il regarde? Pendant ce temps sa main bouge, avec un pinceau au bout…C'est ainsi que le Christ doit être notre modèle. Penser le Christ, non notre image du Christ.»[6]

 

« Entre voir et regarder, il y a une différence. Voir, c’est embrasser globalement d’un coup d’oeil plus ou moins distrait ce qui s’impose à notre champ de vision. Regarder, c’est perce-voir, avoir un regard perçant, capable d’envisager de l’intérieur ce qu’un visage dévoile. Seul un regard pénétrant peut donner accès à « l’essentiel qui est invisible aux yeux »... Regarder, c’est voir autrement... Regarder suppose cette lecture au second degré des personnes et des événements qui introduit la distance où se glisse l’amour, une nouvelle intelligence... Voir loin, haut et clair, voilà la dimension du regard » (Pierre Talec).

 

Le regard n’est pas l’exercice d’une surveillance avide de prendre les choses en flagrant délit. Il est la vigilance d’une attention accordée à leur être. Le regard est une grâce d'attention, C'est fixer son regard sur quelqu'un, ce n'est pas seulement fixer son regard sur son corps mais sur sa personne, sur ses sentiments, sur son intelligence, ses angoisses, ses joies. Charles Péguy disait: “ Il prennent toujours l’histoire pour l’événement, la carte pour le terrain, la géographie pour la terre. Qu’ils nous permettent de le eut dire : tout cela n’est pas si simple ni si vide, ni si mort. Tout cela est là. ” ... qui nous regarde comme disait Baudelaire.

 Jean Louis Chrétien: écrit "Le regard de l'amour est libre et nu , pauvre, dégagé pour l'autre. " Il faut se libérer du connu pour voir l'inconnu.

" La nuit est subterfuge pour nous ouvrir les yeux, sur ce qui reste irrévélé tant qu’on l’éclaire" Jaccottet, L’ignorant, p. 27.

" Nous regardons sans voir, enfermé dans nos images et notre culture. Enfermé dans les prisons de nos représentations, comme si la nature et les autres n’avaient plus rien à nous dire. "

J'ai jeté cette petite chose qu'on appelle 'Moi' et je suis devenu le monde immense."

Muso Soski

"Moi, c’est un composé de culture, de façon de voir acquises, d’expériences personnelles, mélange de joies et de blessures qui nous aveuglent et nous empêche de voir avec un regard neuf." J. BAZAINE," La mort des prétendants", in Derrière le Miroir, n°23, 1949

G. BRAQUE, in Derrière le Miroir n°25-26 , 1950: " Le destin de l’art est celui de l’étonnement où s’éveillent les transcendances.".

Holderlin :" Viens dans l’Ouvert." 

Einstein définit la mystique comme "la capacité de s'abîmer dans le respect et de rester interdit d'admiration". L'existence humaine se justifie par cette stupéfaction radicale. Voilà ce que nous avons à faire. Cette tâche mystique exige de surmonter la tentation de considérer la vie comme allant de soi. Le frémissement respectueux qui saisit l'être devant l'extraordinaire beauté des choses interdit l'attitude blasée de celui qui prend tout pour acquis. L'émerveillement précède la foi, il en est une condition sine qua non. La Bible parle de la "crainte" que Dieu inspire, mais ce mot n'est que la traduction approximative d'un terme hébreu qui évoque davantage un émerveillement qu'un peur véritable. Heschel l'explique très bien. L'émerveillement est le début de la sagesse; il contient un élément de terreur car l'univers qui nous a donné naissance est terrifiant. Cependant cette peur n'est pas celle qui naît du sentiment commis par une faute mais celle qui naît du sentiment de stupeur et de vénération craintive devant le spectacle grandiose de notre existence, devant l'incroyable chance qui nous est donnée de participer à l'immense jeu dramatique qui se déroule depuis quinze milliards d'années. La "crainte" surgit de la stupéfaction radicale dont notre vie est imprégnée. Si la sagesse commence par l'émerveillement, c'est aussi le point de départ de la mystique de la création..

 

 

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