l'Ermite Liang Kai (Song du Sud)

L’art du Paysage 

par les lettrés chinois

 Mi Fou  -  XIème

Anonyme du XIème

Chu Ta  -  XVIIème

Shi Tao  -  XVIIème

 

 

Shi Tao

«Le temps m’est désormais compté, j’en savoure chaque minute.» F. Cheng

Nicole Vandier Nicolas, 

"Art et sagesse en Chine",  

Mi Fou 1051- 1107, 

Puf, 1963

 

"Bien des religieux se sont consacrés à la peinture parce qu’ils avaient compris que l’art est délivrance; ils peignaient pour purifier leur esprit et rafraîchir leurs yeux." La peinture, la poésie et la littérature comptent parmi les expressions les plus hautes d’un art de vivre qui intéresse l’homme tout entier. La peinture des lettrés est le chant d’une vie intérieure, qui s’est allégée des fardeaux périssables pour s’éterniser dans l’universelle harmonie. Le sage possède la vie en lui; tous les dieux présents dans l’univers se retrouvent dans son cœur. Concentré en lui-même, il voit s’effacer les limites de son individualité. Il oublie son corps et toutes choses et s’abîme dans l’océan de l’absolu réalité qui éternellement demeure. A cet état de félicité, l’artiste accède par une voie très simple Attentif à tout et à rien, éveillé à la seule joie de vivre, il entre en possession du Tout parce que dépossédé de lui-même, il ne possède plus rien."

 

 

"Le Tao de la peinture, c’est ce qu’on appelle l’univers tenu dans la main. Devant les yeux, il n’est rien qui ne soit énergie vitale; aussi ceux qui ont cultivé cet art vivent fort longtemps." "Tout le mystère est là: établir les identités secrètes par un deux à deux qui ronge les objets au nom d’une centrale pureté. Pour Mi Fou et ses amis, une peinture est un poème qui se voit. L’art est un moyen d’évasion vers le vrai. " Il suffit de dérouler en compagnie d’ami choisi, le fragile rouleau de soie ou de papier, pour échapper à la vie commune, s’évader le long des sentiers en lacis à travers les bois humides, franchir la porte étroite qui conduit vers l’au-delà tout proche. Qui le voit ainsi peut s’écrier: "C’est comme l’eau d’automne, clair et immobile; pure, elle est sans activité, quiète, il n’y a point d’obstacle en elle. Quand on parle d’un être tel que celui ci, on le donne pour un homme à qui il ne reste rien à faire. "Vide, il est pure efficience, vacant, il est merveilleux."

 

Chu Ta, François Cheng

 

"Le Tao a pour origine le vide, du vide est né le cosmos dont émane le Souffle vital." Le vide est à la fois l’origine et la voie. Ce qui signifie que l’origine est la voie et la voie l’origine. La peinture chinoise est la révélation de ce mystère.

Partout doit s’emmêler Vide et Plein. Leur interpénétration n’est pas un mélange sans règle, mais une mutation. Les mutations sont des productions alternantes où chacun produit celui dont il est lui-même produit. Si tout Yin, tout Yang, c’est là le Tao", c’est aussi la peinture. Le tao est ce permet la séparation et l’unité des opposés: le lieu de la transformation. …Le vide est le lieu sans lieu dont la forme qu’il suscite fait un lieu d’être. La forme n’est pas la trace. Elle n’existe qu’à travers ses ruptures. "Dans le tracés des formes, bien que le but soit d’obtenir un résultat plénier, tout l’art de l’exécution est dans des notations fragmentaires et des interruptions. De chaque vide irradie le grand Vide duquel elles émergent et dans lesquels elles communiquent entre elles, dans l’unique souffle rythmique.…Le souffle et l’esprit procèdent du rien qui n’est pas rien, mais l’être véritable qui ne se laisse pas rabattre par l’étant, dont il est la condition d’être, qui est comme dit Lao Tzeu, le secret de l’être.

 

Lorsque le pouvoir divin opère, le Pinceau-encre atteint la vacuité.

Le vide est nécessaire à l’Efficacité et à l’actualisation du Plein. 

Il est "le lien fonctionnel où s’opère la transformation.", 

transformation de l’un en l’autre qui ne fait qu’un avec celle de l’autre en l’un. 

Par le vide et en lui se trouve résolue en simultanéité d’espace la distinction temporelle de l’aller et du retour.

La peinture vit de ce secret." S’il est aisé au Pinceau-Encre de peindre le Visible, le Plein, il lui est plus difficile de représenter l’invisible, le Vide. Entre Montagne et Eau, la lumière des fumées et l’ombre des nuées sont sans cesse changeantes. Tantôt elles apparaissent, tantôt elles s’estompent. En plein éclat ou dissimulées, elles recèlent en leur sein le Souffle et l’Esprit. Le Anciens cherchaient par tous les moyens à en sonder le mystère.

Les lettrés chinois avaient compris la puissance de la stylisation, autant dans leur art que dans leur vie. Art des purs propos? Ascèse du moindre geste, raffinement extrême des rites, insoumission, révolte ou jeux qui recherchent le secret des raccourcis vitaux de libération? Evasion vers le vrai ou semi-folie ?


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@ 2003-2005  François Darbois  mise à jour le 26/02/2006

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