BIOGRAPHIE  

:François Cheng, le «passeur des deux langues»
par Marie Alstadt


François Cheng, chinois de naissance et français d’adoption, est un sage doublé d’un humaniste. Son existence est l’aboutissement d’un double itinéraire intérieur : assumer son passé et sa culture d’origine, et s’initier à la culture occidentale à travers l’expérience de l’exil. Itinéraire tout à la fois douloureux et exaltant mais tendu chaque jour davantage vers l’unité, c’est-à-dire vers l’Ouvert - l’art étant bien évidemment l’une des voies privilégiées d’accession à cette unité.

«Pour un chinois, le papier est un espace vital. Il s’y meut comme dans l’univers.»

«Il n’est pas trop d’une petite vie pour fouiller ce que la terre déploie et dévoile.»

«Le temps m’est désormais compté, j’en savoure chaque minute.»

1929
François Cheng est né à Nanchang au sud de la Chine centrale dans une famille de lettrés. Il grandit dans une «pauvre chaumière» au pied du mont Lu, non loin du fleuve Yangzi. Très jeune, il découvre des reproductions de tableaux du Louvre. Commence alors sa fascination pour l’art occidental. Il n’en pratique pas moins avec passion la calligraphie aux côtés de son père.

1937-1945
La guerre avec le Japon éclate. Elle se terminera le mois même de l’Armistice, en 1945. Sa scolarité s’en trouve perturbée. A quinze ans, il dévore Les nourritures terrestres d’André Gide.

1946
François Cheng commence à écrire mais il ne publiera qu’à partir de 1977.

1947
Après de longs mois d’exode à travers la Chine, il entreprend des études supérieures d’anglais à Nankin. Il reçoit une bourse pour poursuivre ses études à l’étranger et choisit d’aller en France. Ce choix est inspiré par son admiration pour la littérature française et notamment, parmi les contemporains, pour Romain Rolland et André Gide.

1949
Losqu’il arrive à Paris, François Cheng ne connaît personne et ne sait pas un mot de français. Quelques mois plus tard a lieu un changement de régime en Chine : Mao Tsé-Toung proclame la République populaire chinoise. Soucieux d’élargir toujours plus son horizon, il décide de ne pas rentrer dans son pays. Commence alors sa vie d’exilé : «C'était une expérience de néantisation terrible, avec un faible espoir cependant de pouvoir rentrer en Chine.»

1950-1959
Commencent les années de solitude et de mépris. Pour subvenir à ses besoins, François Cheng exerce des métiers de fortune : «J'en ai exercé de toutes sortes, malgré ma constitution fragile, travaillant aux Halles ou à la plonge dans les restaurants.» Parallèlement, il s’inscrit à l’Alliance française jusqu’à l’obtention du diplôme qui lui permet d’enseigner le français à l’étranger. Il suit aussi des cours à la Sorbonne et hante la bibliothèque Sainte-Geneviève pour se familiariser à la littérature française siècle par siècle.

1960
Grâce à Paul Demiéville dont il suit les cours au Collège de France, il est remarqué par Gaston Berger, à qui il doit d’obtenir un premier emploi stable, à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Dans le même temps, il commence à publier en Chine des traductions de poètes français, tels Baudelaire, Rimbaud, Laforgue, Char et Michaux.

1963
Il se marie avec Micheline Benoit, de famille tourangelle.

1968
Il peut enfin présenter un mémoire de maîtrise, dirigé par Serge Rygaloff : une étude sur l’unique texte du poète Tang Zhang Ruoxu. Ce travail est très remarqué, notamment par Roland Barthes qui fait partie du jury, par Julia Kristeva et même par Lacan. François Cheng entre alors progressivement en contact avec les acteurs les plus en vue du monde intellectuel.

1971
Naturalisé français, c’est à cette époque qu’il choisit le prénom de François mais il conserve son nom de famille. Il enseigne d’abord à l’université de Paris VII, puis à l’Institut national des Langues Orientales.

1977
Paraît son premier livre, L’écriture poétique chinoise, suivi deux ans plus tard de Vide et plein, le langage pictural chinois.

1982
Premier retour en Chine.

1985
Son travail de chercheur et de traducteur ne peut entièrement le satisfaire. Tombé gravement malade, il privilégie sa création personnelle et commence la rédaction du Dit de Tianyi, qui paraîtra en 1998.

1986
Il signe Chu Ta, le génie du trait, ouvrage dans lequel il révèle les mystères de la peinture chinoise à travers ce grand maître du pinceau et de l'encre.

1989
Paraît De l’arbre et du rocher, son premier recueil de poèmes. «La poésie, confiera-t-il, est le seul guide qui ait su m’initier à l’amour d’une autre terre et d’une autre langue.»

1998
Publication de son roman Le dit de Tianyi, récit largement autobiographique, bientôt couronné par le prix Femina : «je suis devenu français, écrire ce roman directement en français était un acte volontaire de ma part, un acte d'amour». Ce roman emmène le lecteur en Chine, à la recherche de Tianyi, vieux peintre calligraphe, figure du maître qui le fera renaître. «C’est, explique François Cheng, le «récit d’une quête spirituelle, qui interroge avec passion le mystère du destin.» La même année paraît Shitao, la saveur du monde, ouvrage consacré au grand peintre chinois «excentrique» du XVIIe siècle et pour lequel il obtient le prix André-Malraux.

2000
Son recueil de poèmes, Double chant, obtient le prix Roger-Caillois.

2001
L’Académie française lui décerne le Grand prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre. Grand connaisseur et praticien de la calligraphie, il publie sur ce sujet Et le souffle devient signe. «J’ai eu le temps d’intérioriser un art qui engage tous les niveaux de l’être.».

2002
Poursuivant son travail de romancier, François Cheng signe L’éternité n’est pas de trop, l’histoire d’une passion amoureuse à la fin de la dynastie Ming (XVIIe siècle). En juin, il est élu à l'Académie française au fauteuil de Jacques de Bourbon-Busset.


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