Colloque  de Lyon

 10-12 Novembre 2000   

Marcel Légaut,

" Quand renaît le spirituel ", Actes du colloque international Marcel Légaut, éd. A.C.M.L., 2001

"La Magnanerie", 26270 Miremande

 tél. : 04 75 63 10 83

 

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TABLE DES MATIÈRES

MARCEL LÉGAUT - Une percée vers l'avenir (notice biographique) 11

Guy LECOMTE - Présentation 15

I -Séance inaugurale, allocutions d'ouverture

Thérèse De SCOTT 21

Émile POULAT 29

II - Marcel Légaut, "La traversée du siècle" » (aspects historiques et sociologiques)

Communication principale : Étienne FOUILLOUX -

Marcel Légaut : un chrétien en son siècle 43

Régis LADOUS - Marcel Légaut à la rue d'Ulm 87

Denis PELLETIER - L'installation de Marcel et

Marguerite Légaut aux Granges de Lesches 99

Claire GUYOT - Marcel Légaut au CCIF -

Marcel Légaut et François Varillon - deux approches de la foi 115

François MABILLE - La crise de l'Église dans la pensée de Marcel Légaut 125

III - Le chrétien Marcel Légaut (aspects théologiques et spirituels)

Communication principale : Bruno CHENU -

 

Introduction à l'intelligence du passé et de l'avenir de Marcel Légaut 145

Henri BOURGEOIS - Marcel Légaut et le spirituel aujourd'hui en France 181

Henri DENIS - Marcel Légaut ou le spirituel en

dialogue avec le dogme 201

Jean PEYCELON - Le travail de la foi: de l'accomplissement spirituel à la nomination de Dieu et à la foi en Jésus 211

Pasteur Alain WYLER - Marcel Légaut et l'Église 233

IV - Échos des ateliers

Marcel Légaut, la rencontre d'un disciple 243

Témoignage : Domingo Melero 245

V - Échos de la Table Ronde 263

VI-Discours de clôture

Jerôme VIGNON 267

Bernard FEILLET 279

VII - Pensées pour une exposition 291

- Remerciements 299

- Liste des intervenants 300

- Ouvrages de Marcel Légaut 301

- Ouvrages sur Marcel Légaut 302

- Liste des abréviations des titres 303

 

" Naître à soi, n'être que soi, l'oeuvre essentielle de nos vies. "

 

Superbe colloque, où tout le monde a été surpris par la joie et la liberté de tous, et par un accueil très chaleureux des " camarades " !

Surpris et dépris d’eux-mêmes, pour se sentir pris et compris , sans méprise, sauf celle de la distance nécessaire à l’intimité du proche et du lointain, dans la coïncidence des opposés et la rencontre des contraires! Tel est le mystère de Légaut dans la rencontre du mystère de Dieu dans le mystère même de l’homme.

Textes proclamés sur fond de violoncelle, témoignages, analyses des historiens, des théologiens, amis ont témoigné de l’intérêt et des enjeux de cette expérience d’homme, et de la réflexion de Légaut, sans en oublier les limites. Il manquait peut-être le regard d’un philosophe et celui d’un psychanalyste pour nous aider à réfléchir sur le sens de la césure de 1940 et du passage du Légaut 1 au Légaut 2, entre le mathématicien intellectuel et le paysan spirituel. La relecture de l’histoire religieuse de ce témoin, en distinguant l’enfant de cœur, le noviciat et le paysan et le retraité prophète, le temps des communautés chrétiennes, le temps des maturations et le temps de la mission, ont permis de mieux voir l’unité et la discontinuité à travers les crises, les étapes et les fidélités de cet itinéraire atypique.

 Les Granges

 

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Les interventions de Bruno Chenu, d’Henri Denis et de Bernard Feuillet ont été pertinente, remplies d’humour et d’amitié pour l’auteur. Il en sort une espérance nouvelle pour l’avenir de l’humanité. Au milieu de la sinistrose et du doute de nos contemporains sur tout et n’importe quoi, au cœur des spasmes et des aberrations d’une religion agonisante, dans une société et une église de la langue, il y avait par delà les critiques et les limites de cette pensée, une formidable espérance et une joie communicative, que j’ai rarement vu au cours de ce type de réunion. Mystère d’un au-delà de nous, au dedans de nous, qui dépasse tous les dualismes, en particulier ceux de la subjectivité et de l’objectivité débridées. Les trois grands apports de Légaut sont l’évangélisme intériorisé de sa foi, l’engagement total de la personne et la recherche spirituelle et philosophique sur le sens de la vie. Par delà le fidéisme, l’intellectualisme ou l’activisme, Légaut, même s’il se vente de n’avoir jamais rien lu et de ne pas aimer les livres, est pourtant bien le disciple d’un Jean de la Croix, d’un François d’Assise, de Vincent de Paul et du Père Portal, son aumônier à Ulm. Il est le témoin d’une autre voie, au cœur du silence et du désert dans la nudité du rien. On est loin du fanatisme et de l’esprit critique, de la peur d’une institution qui s’écroule, et des conflits de pouvoir et des discours autoritaires que cela engendre… Mgr Ratzinger et le texte " Dominus Jesus " ont été cités plusieurs fois. Pour Jérôme Vignon, ce texte romain n’est peut-être que le signe d’une peur et d’un raidissement autoritaire de l’institution, dont le contenu et le ton ne sont pas sans interrogation sur les motivations de ceux qui l’ont écrit ; mais n’est-il pas aussi un texte plus politique que théologique, écrit de circonstance pour rassurer un électorat qui se disperse ? N’est-ce pas un accident de parcours qu’il ne faut pas prendre à la lettre, comme tout texte italien, qui n’est pas nécessairement un dictat stalinien. Il ne faut jamais confondre la loi, la conscience et la liberté personnelle. C’est là l’espace d’un jeu dont l’enjeu est le sujet lui-même dans sa capacité de naître, de vivre et de mourir libre.

 

Belles interventions des historiens de Lyon II et I (de droite et d’extrême gauche), des témoins " plus ou moins optimistes ou désespérés ", et même des " vaches sacrées " ou autres dogmaticiens de la fac de théologie. Légaut, malgré ses critiques parfois, virulentes, aime l’Eglise et Légaut lui est resté fidèle durant toute sa vie. Il est un homme de foi dans son église, jamais dehors toujours dedans, mais en restant libre. Emile Poulat nous a permis de resituer l’itinéraire de Légaut dans l’après crise moderniste. Henri Tincq dans Le Monde du 29 mai 1989, écrivait : " Dans le concert intellectuel du catholicisme aujourd’hui, la voix de Marcel Légaut est sans doute isolée. Mais elle est libre. L’âge l’a rendue plus sereine. Elle est écoutée à force d’être chuchotée. " Cette église dont j’ai tant reçu. L’amour de l’église implique la fidélité, même si celle-ci est vécue dans la souffrance. " L’Eglise, ma mère et ma croix ". Mais elle est trop enfermée sur elle-même et donc non réformante. Cette critique globale de toute la société occidentale rencontre plusieurs autres courants contemporains. L’église d’autorité nous a dressés sans jamais nous éduquer. Mais est-ce l’unique mission de l’église d’être une éveilleuse de l’intériorité ? Est-ce la seule explication à son effondrement, à l’effritement de la pratique ? La religion devient une parure qui se fane et se déchire peu à peu. " Le plafond spirituel de beaucoup de chrétiens est relativement bas ! ". Certes, l’essentiel ne s’enseigne pas, il se révèle en chacun dans l’intime comme une annonciation de l’espérance en l’homme et en la vie, alors que le discours actuel est d’un pessimisme mortifère sur l’homme.

La mission de l’Eglise n’est pas une discipline pour le peuple, mais elle doit former un peuple de disciples. C’est un appel à l’homme pour s’engager lui-même sur le chemin à la suite de Jésus. Pour Légaut, il s’agit de ce que vous devez croire et faire et cela est censuré par des récompenses ici et surtout au-delà. Le peuple chrétien ignore encore ce qu’est la vraie foi. Où est le doute, la recherche, l’initiation chrétienne des premiers siècles ? L’institution est devenue une dictature autosuffisante, une simple structure humaine d’un légalisme hérité du judaïsme et d’un juridisme encore très romain. L’église, pour Légaut, est une communion de petites communautés, et les paroisses sont des lieux de rencontre de ces petites communautés à taille humaine. L’église ne peut plus proposer une religion d’autorité. La foi ne se transmet plus par transmission biologique ou sociologique, mais par le témoignage de petites communautés. Il ne s’agit pas de restaurer ce qui tombe en désuétude du comportement religieux de jadis. Les grands rassemblements ressemblent plus à de la manipulation stalinienne où l’important est de se compter, pour être content et se rassurer, et combler l’angoisse du vide dans nos églises. Mais cela ne changera rien à la désertification et à l’exode commencé avec la crise du modernisme.

 

Les sœurs de Mazille ont été merveilleuses de simplicité, de joie et d’émerveillement devant ce guide spirituel qui les a accompagnées de longues années.

Bertrand Revillon a présenté son film vidéo en disant de lui : " un homme habité par la prière et le souci de témoigner de cette source qui le faisait vivre. " (La Croix 10/11/1990) André Sève lui-même écrivait : " Avec une rudesse qu’il dénonce Légaut dénonce les irréalismes d’une religion trop peu soucieuse de ce qui serait à vivre personnellement ; une doctrine jamais repensée par la plupart qui se contentent de la recevoir du dehors ; des traditions d’enfance mêlées de crédulités et de superstitions, jamais critiquées ; une pratique sacramentelle qui n’engage pas, dont on ne tire pas conséquences ; une morale qui a toujours peur de la liberté et de l’invention ; des rassemblements trop vite appelés communautés (ou même Eglise de demain), des chefs spirituels paniqués par les initiatives parce qu’ils ne sont pas eux-mêmes en recherche. " (Livres- Actualités, Bruxelles 15/10/71)

 

Les interventions d’Henri Denis sur le dogme et Légaut et celle de Bernard Feuillet ont été remarquées par le fond mais aussi par la forme. J’ai retenu surtout un passage sur la question " Jésus n’est pas Dieu ?"…Légaut a eu un dialogue avec le dogme qui n’a pas toujours été serein et de tout repos. Il a vécu plus comme un aigle sur les hauteurs que comme un mouton de panurge. Mais sa voix continue à couler comme la source dans la fontaine au cœur de la maison. Mais un vrai spirituel est toujours une menace pour l’institution. Comme Sulivan, Légaut garde ouvert le chemin de l’intériorité. Dire Jésus est Dieu, c’est nier le Père. Biffer l’altérité de Jésus avec Dieu, c’est nier que Jésus est fils de Dieu. Jésus est de Dieu mais il n’est pas Dieu. Sans céder à l’Arianisme, Légaut n’a jamais cédé au docétisme ". B. Feuillet reprenant la parole d’Eckhart dit : " Tant que l’on connaît un dieu, que l’on voit dieu, on ne rencontre pas Dieu !… M. Légaut a une mystique de la rigueur qui ne tombe pas dans la double tentation de combler ou de se perdre dans le vide ; ce vide où Dieu nous tient est la condition humaine. " L’homme est un néant capable de Dieu " écrivait Bérulle, dont Légaut est le disciple à travers l’influence de l’école française et saint Vincent de Paul. C’est pourquoi, il faut se garder de la religion pour sauver sa foi, comme avec une belle-mère, dont il faut se garder à distance pour préserver son amour. La religion est la négation de la foi parce qu’elle tend toujours à mettre la main sur Dieu. C’est sa faiblesse et sa folie. " Dieu est au-delà de Dieu " disait maître Eckhart. Le dieu de Marcel Légaut est celui dont le visage et la vie de Jésus reflètent la lumière.

 

Le texte des évangiles ne peut devenir Parole de Dieu qu’en se faisant acte dans sa propre vie. La révélation n’est pas achevée ; elle est en cours, aucune expression de la vérité ne peut clore en pensant avoir répondu à toutes les questions. Aucune révélation n’est définitive. Le dernier mot du vrai n’existe pas. Il n’y a de parole de Dieu, qu’entendu dans l’intériorité de chacun. Le Livre de Dieu n’est pas quelque chose mais quelqu’un. Le livre de Dieu, c’est le livre de l’homme, de chaque homme. Un seul livre est vrai, celui qui est éternel commencement, un livre " ouvert ", où l’on entre et l’on sort sans cesser d’être " dedans ", mais jamais " devant ", comme le dit Maldiney et Tal Coat pour la peinture. Les écritures attestent que Dieu n’a jamais rien dit, sinon dans l’émergence d’une parole d’homme, plongé dans le mystère de sa propre histoire. L’écriture est le témoin du silence de Dieu. Jésus ne nous suffit pas, l’avenir est à nous-même. Jésus est un compagnon et non le Verbe de Dieu définitivement prononcé. Les textes des évangiles sont vénérables parce qu’ils témoignent de l’expérience d’un autre au-delà du texte. C’est l’expérience qui est derrière, ce n’est pas la doctrine que recherche Marcel Légaut, mais ce que Jésus lui-même a vécu. " Jésus nous permet d’approcher l’ultime présence d’un secret qui ne peut se révéler que dans la vie de chaque être. Le mystère de Dieu ne peut se révéler qu’en toi L’humanité est comme la matrice du divin. Je rêve d’une église accoucheuse d’être " Dieu est à venir, Dieu est à naître en chaque être. La mort de tout être encourage les autres à continuer la tâche. "" Il était habité d’un secret – au sens qu’on ne saurait percer ce qui donnait une telle vérité à sa vie, - ce qui fait un homme est témoin de l’homme et trace du divin. " Découvrir Dieu à travers ce que Jésus a vécu. " Il vaut mieux se taire que de parler par discipline de ce que l’on ne vit pas. 

 

Décapage sévère mais constructif. On ne peut plus croire aujourd’hui comme avant. La foi a plus besoin d’expériences que de théories. La foi en soi est la condition première de l’affirmation du divin capable de s’accomplir dans l’homme. " Il y a en nous une intériorité qui transcende le faire et le dire ". Elle advient dans la prise de conscience en nous-même de notre carence à exister. En découvrant sa vocation créatrice, l’homme se découvre lui-même. Il y a en nous une action souterraine et sans visage qui déborde la prise de conscience de nous-même. C’est en nous, mais ce n’est pas nous, mais au-delà de nous. L’action divine ici, est semblable à la plus petite des semences. Mais la religion enseignée n’échappe pas à la tentation classique de l’endoctrinement et de l’abstraction. L’expérience de l’intériorité a une couleur interconfessionnelle et même inter religieuse. Il faut ne faut pas avoir peur et se laisser déstabiliser, pour se laisser propulser vers un dynamisme vrai de la foi.

Les mots de Légaut conduisent au silence, ils sont faits de droiture, de rectitude et de rayonnement. L’essentiel de sa prière était dans l’attente silencieuse, là où Dieu et l’homme s’engendrent mutuellement. Il ne faut jamais s’enfermer dans le déjà dit. La prière est l’attente de la rencontre de Dieu dans son acte et de l’homme dans son devenir. L’un se donne en agissant et l’autre accueille en se donnant dans un même et unique mouvement qui est la communication divino-humaine C’est dans ce double mouvement que j’accède à ma propre humanité. Pour ouvrir un avenir, il faut, dans le présent, s’approprier à nouveau les formules du passé, sans jamais s’enfermer dans un carcan. Il ne faut jamais se figer. L’essentiel est l’ouverture et la remise en question. La religion n’est plus adaptée à la complexité contemporaine. Les superstitions et les fabulations, la religion de la crainte, la pastorale de la peur ne peuvent plus avoir cours. Tout cela est appelé à disparaître et à ressurgir. Légaut trace un nouveau chemin ; il ouvre des pistes pour aller nous-mêmes plus loin. Devenir soi, c’est de nouveau venir à soi-même, laisser venir en soi, cet au-delà de soi qui n’est pas soi mais qui peut advenir en soi. A chaque génération des hommes se lèveront pour vivre et traduire leur expérience de foi, pour trouver et donner un sens à leur vie, en s’engageant totalement eux-mêmes dans cette expérience. Aimer l’autre c’est lui permettre de devenir ce qu’il est. Cela est vrai pour ses enfants, sa femme, ses amis et Dieu lui-même. 

François Darbois, , le 15 Novembre 2000 

" Naître à soi, n'être que soi, l'oeuvre essentielle de nos vies. "

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